Pourquoi Techno+ ira à la réunion au Ministère de l’Intérieur le 5 février 2014

Dernière mise à jour le 11/10/2020

Le long texte qui suit , publié le 22 janvier 2014, sert à expliquer le positionnement actuel de Techno+ : de l’analyse du contexte aux changements attendus.

Sommaire

  • Le Contexte
  • les Enjeux
  • Ne pas retomber dans les erreurs passées
  • Adopter une méthodologie de négociation
  • Apport de Techno+

Le contexte

En fin d’année dernière plusieurs événements techno contestataires d’une ampleur jamais vu depuis plus de 10 ans se sont déroulés pour protester contre la répression du mouvement tekno :

Suite à cela le ministère de l’Intérieur a proposé la semaine dernière une date de réunion pour le 5 février prochain à ces interlocuteurs habituels, les organisateurs du teknival du 1er mai, qui ont souhaité constituer une délégation comprenant des personnes issues de sound systems d’un peu partout en France. Le court délais ne favorise ni la transparence de l’information (de nombreux sons ne sont pas au courant), ni la démocratie du mode de désignation de cette délégation (quelle légitimité des représentants ?), ni le débat public sur le contenu de ce dialogue (au risque de diviser le mouvement). Bref de quoi alimenter les rumeurs les plus folles dans nos rangs.

De plus une partie non négligeable du mouvement est plutôt opposée au principe même du dialogue avec l’État. Pourtant ce qu’il en ressortira (s’il en ressort quelque chose) s’appliquera à tous. Techno+ ne se prononce pas entre les tenants de la négociation ou ceux du refus de celle-ci. En revanche il est primordial d’en finir avec des réunions qui ne servent qu’à organiser un tekos par an.

Les enjeux

Nos échanges récents avec des activistes du mouvements dont ceux ayant monté les actions listées plus haut montrent une volonté affirmée derompre avec l’immobilisme en place depuis 2006. Certains d’entre eux participeront à cette réunion. Techno+ partage le même constat et souhaite aussi un vrai changement permettant de faire baisser concrètement la répression du mouvement.

Le simple fait de discuter avec le ministère de l’Intérieur divise notre mouvement. Il nous semble donc important d’adopter la plus grande transparence vis à vis de cette réunion afin qu’elle serve l’ensemble du mouvement et d’éviter les rumeurs et autres ragots.

De plus avoir cette réunion maintenant divise même ceux qui veulent discuter avec l’État. Nous pensons qu’une prise de contact avec la nouvelle administration n’est pas forcement négative si elle permet de déboucher sur une méthode de travail transparente et efficace. Nous pensons que cette réunion ne doit pas servir à négocier des points précis mais uniquement à connaître la base de discussion que nous proposera le ministère, à fixer quelques point de méthode, et ainsi de lancer un vrai débat au sein du mouvement sur la suite des opérations.

Il faut faire très attention à ne pas se faire endormir par le ministère et à maintenir la mobilisation contre la répression qui a permis d’attirer l’attention de l’État.

C’est pourquoi nous souhaitons tout de même participer à cette réunion initialement réservée aux sound systems par les organisateurs. Cette demande a été acceptée.

Voici en toute transparence la contribution, en 3 parties, que nous voulons y apporter. N’hésitez pas à donner votre avis.

1/ Ne pas retomber dans les erreurs passées

Le premier point, et probablement le plus important de tous : il n’y a pas d’un coté les collabos qui discutent avec l’État et de l’autre, les branleurs qui préfèrent critiquer sans rien foutre ! Il y a des personnes impliqués dans le mouvement qui choisissent différentes stratégies pour faire vivre celui-ci. Ces stratégies sont toutes respectables et si elles peuvent être remises en cause et discutées, rappelons-nous qu’il y a toujours plus de points qui nous unissent que de points qui nous divisent. (ben oui c’est pas toute la France qui kiffe se gaver les tympans d’infrabasse pendant plusieurs jours les pieds dans la boue!)

Le deuxième point est que si des négociations doivent avoir lieu, il ne faut pas rentrer dans les mêmes problèmes qui ont permis à l’administration précédente de nous enfumer pendant 10 ans. Il faut adopter une méthodologie claire qui renforce l’efficacité de l’équipe négociante et garantisse la transparence des négociations. Les précédentes négociations ont souvent butés sur différents problèmes.

Conflit de personnes

Quand on passe de « je ne suis pas d’accord avec telle position » à « untel est un vendu », le débat s’arrête et plus rien n’avance. Jusqu’ici les différentes discussions visant à l’organisation de cette réunion ont évité cet écueil, il faut continuer dans cette voie si on veut arriver à quelque chose.

Problèmes de représentativité

Nous n’avons pas de système clair permettant de faire émerger des représentants (est-ce vraiment souhaitable ?). Pourtant les personnes qui discuteront avec l’État seront considérées par celui-ci comme parlant pour l’ensemble du mouvement et les – éventuelles – avancées obtenues s’appliqueront à tout le monde.

Il nous faut trouver un moyen, clair pour tous, de décider qui fait quoi et ce qu’ils doivent défendre. Quelles que soient les décisions prises, il faut que le processus soit connu de l’ensemble du mouvement, même les plus opposés à ces négociations.

Confusion entre réunion technique sur un événement et négociation générale sur la free

Enfin il est très facile de se faire manœuvrer par l’administration qui, de vagues promesses en « écoute de doléance », dicte très bien le temps de discussion. Une des armes souvent utilisée pour ça par l’État est la confusion entre réunion technique sur un événement (en général un tekos) et négociation générale sur le mouvement. Les sons se plaignent pendant vingt minutes, le ministère dis qu’il prend bien tout ça en compte et on passe deux heures à parler de citernes et de chemins d’accès au site.

Les réunions plus générales sont alors repoussées à après le tekos car « là on est dans l’urgence » puis se voient généralement annulées quant celui-ci est passé. Il faut donc être clair sur une séparation nette entre les deux négociations (savoir si l’événement du premier mai doit servir d’arme pour la négociation générale est un autre débat). Dans cette optique, pourquoi ne pas avoir deux équipes différentes, une axée sur le travail de terrain pour l’organisation du premier mai et l’autre s’occupant des discussions générales autour du mouvement.

Ça permettrai de plus d’ouvrir le débat à ceux qui ne veulent rien avoir à faire avec un événement coorganisé avec l’État mais sont intéressés par le reste de la discussion, et d’arrêter les rumeurs du style « il a vendu le mouvement pour son sarkoval » qu’on entend chaque année depuis 11 ans. Bien sur les deux équipes devront travailler en collaboration mais chacune pourra se concentrer sur ses priorités.

2/ Adopter une méthodologie de négociation

Pour être efficace, il nous parait important d’adopter une méthode prenant en compte les habitudes et la culture de négociation du ministère. Bien sur il ne s’agit pas de rentrer complètement dans leur jeu mais de ne plus se laisser manipuler.

Avant la réunion

Cela commence avant la réunion. Savoir à l’avance ceux qui seront en face permettrai de préparer au mieux la réunion et les sujets sur lesquels ont pourra avancer.

L’ordre du jour de la réunion ne doit plus nous être imposé. Il doit être discuté, en interne, à l’avance pour pouvoir préparer nos arguments et contenir au moins autant de points voulus par les sons que par le ministère. Négocier sur un pied d’égalité commence aussi par ça.

Engagement sur un agenda de rencontre sur toute l’année

Il nous faut aussi forcer le ministère à sortir d’une gestion « saisonnière » de la discussion qui fait que plusieurs réunions ont lieu entre février et mai, monopolisées par la gestion du 1er mai et que plus rien ne se passe pendant les huit autres mois de l’année. Pour cela il nous faut exiger un engagement ferme sur un agenda de négociations avec des rencontres sur toute l’année. La séparation des équipes de négociation serait aussi une arme dans ce sens.

Cet agenda nous permettrai aussi de mettre en place une vraie concertation nationale entre les acteurs du mouvement afin que les représentants aient un mandat clair sur ce qu’ils sont censés défendre à chaque réunion.

Comptes rendus

Enfin il est important de matérialiser ce qui se dit à ces réunions. Un compte rendu commun, validé avec le ministère doit être rédigé après chacune de celles-ci pour servir de base aux suivantes et de vérifier que les avancées promises débouchent sur quelque chose.

Un autre compte rendu plus développé et reprenant les positions de chacun doit être rédigé et diffusé au sein du mouvement pour que chacun puissecontrôler l’action des négociateurs. On évitera ainsi la création de légendes et la formation d’une « élite » qui à accès à l’information et la distille auprès de ses potes.

3/ Apport de Techno+

Après ces considérations générales un point sur ce que peut faire Techno+ là dedans.

Techno+ n’a aucune envie (ni la capacité d’ailleurs) de représenter les sons. Nous sommes plus proche du public que des orgas. Nous ne nous positionnons pas sur la pertinence de négocier ou non avec l’État car nous estimons que les deux choix sont légitimes. Nous soutenons l’ensemble du mouvement et cherchons à fournir des outils à chacun pour faire avancer ses idées. Ainsi le dossier de presse que nous avons sorti pour le 7 décembre 2013 peut servir à la fois pour un teknival illégal et pour une négociation au ministère. Mais puisque nous demandons une transparence totale il nous parait important de dire exactement pourquoi nous comptons participer à cette réunion et ce que nous souhaitons y apporter.

Témoignage sur 17 ans de dialogue avec l’État

A l’origine en 1995/97 Techno+, Keep Smiling et le Tipi étaient les seules assos de teufeurs identifiées par les pouvoirs public et les médias et d’ailleurs souvent pris pour les organisateurs des évènements. Cette situation n’était pas facile à gérer pour nous notamment lors de l’écriture de la circulaire de 1997 sur les raves où Technopol représentait la tendance officielle du mouvement et les seules les assos de santé parlaient aussi de la tendance alternative. N’étant pas légitimes pour représenter les orgas, les assos de santé ont organisées des rencontres entre sound systems en 2000 et 2001 visant à créer une coordination au sein du mouvement. Ce fut très utile car quelque mois plus tard le fameux Mariani sortait son amendement anti-free que la mobilisation a pu repousser jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001. Une partie de cette coordination devint peu après le 1er collectif national des sons fin 2002 lors des 1ers sarkovals. Depuis Techno+ contribue aux rencontres avec le ministère de son propre chef ou sur demande des sound systems.

Nous avons donc l’expérience et le souvenir des engagements passés et souhaitons témoigner de cela afin d’établir une continuité dans ces négociations : lors des précédentes négociations des engagements ont étés pris par le gouvernement. Les sons peuvent décider qu’ils ne constituent plus aujourd’hui des objectifs à atteindre mais sans préjuger des buts qu’ils se fixeront, mettre l’État devant ses responsabilités doit constituer une base dans la discussion.

Pour information, voici les engagements fermes jamais tenus par l’État :

  • Fournir un terrain par département pour l’organisation d’événements de moins de 500 personnes
  • Fournir un terrain par région pour les événements entre 500 et 10 000 personnes.
  • Financer 4 teknivals d’ampleur nationale par an
  • Mener une action auprès des élus et des forces de l’ordre afin de familiariser ceux-ci à la problématique des free partys pour garantir une égalité de traitement entre celle-ci et les autres manifestation culturelles.

Mise au point sur les risques sanitaire lors des événements techno légaux et illégaux

Grâce à son rôle d’acteur sanitaire, Techno+ peut rappeler le constat fait par les 20 principales structures intervenant en free-party, qui ont affirmé dans un communiqué de presse publié la veille du teknival de Rennes que ces fêtes ne posent pas plus de problèmes sanitaires que les autres événements. Qu’ainsi l’utilisation de l’argument du risque sanitaire n’est qu’un des fantasmes justifiant la répression du mouvement et en aucun cas une réalité.

Témoignage sur la violence et l’augmentation de la répression du mouvement

Grâce à notre observatoire de la répression et aux nombreuses discussions qui ont entouré la sortie de notre manifeste contre celle ci, nous pouvons témoigner de l’ampleur et de la violence de la répression du mouvement, fournissant ainsi des arguments aux sons pour lutter contre celle-ci.

Comptes-rendus permettant à chacun de savoir exactement ce qui s’est dit

Enfin, étant en discussion (et – on l’espère – en confiance) aussi bien avec ceux qui veulent négocier qu’avec les plus opposés, ainsi qu’avec beaucoup de personnes qui se situent entre les deux, nous comptons rédiger et diffuser largement des comptes rendus objectifs des discussions ayant eu lieu au ministère afin que chacun sache exactement ce qui se dit en son nom. Nous diffuserons notamment ceux-ci via les 10 000 signataires du manifeste.

Désolé pour le pavé mais au moins maintenant vous savez exactement où on en est. Si chacun pouvait faire de même sur ses motivations et ce qu’il compte défendre cela faciliterait grandement les choix à faire.

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