Drogue: les acteurs de la réduction des risques en quête de reconnaissance

Dernière mise à jour le 26/07/2016

Etat des lieux de la RdR à l’occasion des 2èmes rencontres nationales…

Source : AFP
Date : 19/10/2008

Près de 20 ans après le lancement en France de la réduction des risques (RdR) liés aux usages de drogues, les acteurs de terrain sont encore en quête de reconnaissance du public et des politiques malgré une efficacité avérée en termes de santé publique. "La RdR est née il y a 18 ans en France dans les années sida, enregistrant de beaux succès dans la lutte contre l’épidémie, mais elle reste largement inconnue du grand public et se heurte aux discours moralistes et idéologiques des politiques", résume Jean-Pierre Couteron, président de l’Anitea, qui participait jeudi et vendredi à Bobigny (Seine-Saint-Denis) aux secondes rencontres nationales de la RdR. Les distributions de seringues stériles imposées par Michèle Barzach en 1987, puis les traitements de substitution aux opiacés (Subutex, Méthadone) décidés par Simone Veil en 1994 ont constitué les grandes étapes de la RdR, qui figure dans le code de santé publique depuis 2004 et a abouti à la création de 130 Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD).

"Mais la plupart des Français pensent toujours que l’unique politique en matière de drogue est la prévention de l’usage basée sur le fantasme de l’abstinence", déplore Béatrice Stambul, présidente de l’Association française pour la réduction des risques (AFR). "Parallèlement nous couvrons le territoire de manière insuffisante, laissant beaucoup d’usagers dans le désert". Pourtant la RdR a permis de diviser par 20 les contaminations au VIH, par 5 la mortalité par overdose tout en faisant baisser la petite délinquance et en réintégrant bon nombre d’usagers dans la société en brisant l’image du "toxico" suicidaire et marginal. "Mais aujourd’hui, la RdR patine notamment face à la catastrophe sanitaire qui se profile avec l’hépatite C et à l’immobilisme dans les prisons", assure Valère Rogissart, vice-président de l’AFR, qui fustige "une absence totale de pragmatisme des politiques". "Contrairement à ce que les politiques nous renvoient, la RdR n’est pas une incitation à la consommation de drogue qui existe déjà", souligne Christian Verger de Aides. "Le discours démagogique et répressif sur un monde sans drogue est irresponsable".

Les associations pratiquant la réduction des risques demandent notamment la dépénalisation de l’usage (que l’on distingue de l’abus et de la dépendance) de drogues. "Pour être efficace, alors que l’héroïne revient et que la cocaïne est de plus en plus consommée par injection, la RdR doit permettre d’impliquer les usagers qui souhaitent être acteurs de leur santé", souligne Pierre Chappard, d’ASUD, première association d’usagers créée en France en 1992. Or, dans la législation actuelle souligne l’AFR, un usager de drogue ne peut devenir éducateur ou intervenant dans une association ou un centre de RdR car consommer de la drogue est un motif d’interdiction professionnelle. S’il est arrêté pour usage de drogue, le fait d’être éducateur peut constituer une circonstance aggravante et doubler sa condamnation. Les associations ont jugé que la présence de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot à l’ouverture des rencontres était encourageante ainsi que sa volonté affichée de "mieux évaluer les méthodes d’éducation aux risques liés à l’injection, en collaboration avec les associations". Ces dernières veulent notamment pouvoir, à travers des séances d’éducation dans des centres, aider les usagers à "se shooter" en limitant les risques sanitaires, particulièrement élevés lors des premières injections.

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