Tabagisme passif : des chiffres un peu… fumeux

Dernière mise à jour le 26/07/2016

Le tabagisme passif, une escroquerie absolue ?Source : http://www.bakchich.info/article2727.html
Date : 25/02/2008

 

Les 6 000 morts du tabagisme passif : un chiffre
choc à l’appui de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Mais
cette évaluation se fonde, selon l’enquête de « Bakchich », sur des
données scientifiques assez peu fiables.

Mettre
les fumeurs sur le trottoir permettra d’épargner 6 000 vies chaque
année. Six mille morts par an de la fumée des autres, c’était
l’argument choc de Xavier Bertrand,
alors ministre de la Santé, lorsqu’il a annoncé fin 2006 sa décision
d’interdire de fumer dans les lieux publics. Et l’antienne a été
reprise début janvier dernier, lorsque les bars et restaurants se sont
pliés à cette règle, après onze mois de délais d’adaptation. Répété par
les médias, les personnalités politiques, le tout venant, ce chiffre a
fini par s’imposer dans les esprits. En 2002, l’Académie nationale de
médecine avait parlé de 2500 à 3000 morts par an, soit deux fois moins.
Mais d’où proviennent tous ces chiffres ?


Dangereux fumeurs

L’étude européenne mélange fumeurs et non-fumeurs

En réalité, aucune étude digne de ce nom n’a jamais été
menée en France sur le sujet. L’Académie de médecine se basait sur des
données internationales. Le chiffre de 6 000 morts (5 863 morts) pour
la France provient d’une publication européenne de 2004, « Lifting the smokescreen »
(Lever le rideau de fumée). Il ne s’agit pas d’observations réalisées
sur la population, mais d’extrapolations statistiques (voir encadré
ci-dessous). Mais curieusement, sur ces 5 863 victimes, seuls 1 114
sont des non-fumeurs. Le chiffre a donc été gonflé par l’ajout de plus
de 4 000 fumeurs victimes de leur propre fumée passive… puisqu’il est
difficile de ne pas respirer l’air de la pièce que l’on est entrain
d’enfumer.

Et encore, les « non-fumeurs » recensés ne sont pas tous au dessus de tout soupçon. « Le risque supplémentaire dû à un tabagisme antérieur a été ignoré […] faute de données disponibles »,
peut-on lire ainsi. Traduction : pour les besoins de l’étude, tous les
anciens fumeurs ont été assimilés à des non-fumeurs… alors que l’on
sait que les ravages du tabac sur la santé perdurent bien après
l’arrêt. Un biais non négligeable. Des précisions que se gardent bien
de relayer les défenseurs de la loi anti-tabac.

Autre information de taille, selon cette même étude une
écrasante majorité (90%) des victimes du tabagisme passif souffre d’une
exposition au domicile, c’est-à-dire à la fumée du conjoint. La
règlementation sur les lieux publics ne change donc rien pour eux.
Quant aux employés de l’hôtellerie-restauration, ils ne
représenteraient, selon les auteurs de l’étude, que 6 victimes
non-fumeuses par an en France. Avec une marge d’erreur qui interdit de
chiffrer à l’unité près, on n’a donc aucune idée du nombre de vies que
la loi pourrait permettre de sauver. Bien loin, en tout cas, des 6 000
annoncés.

La fabrique à chiffres

Mais comment produit-on tous
ces chiffres ? La recette est simple : pour obtenir le nombre de
victimes présumées d’un facteur donné, on détermine d’abord un
coefficient d’augmentation du risque (+ 25% pour le cancer du poumon,
+20% pour les maladies cardiaques, etc.). Bien souvent, comme dans
l’étude européenne « Lifting the smokescreen » ou
celle de l’Académie de médecine, ce chiffre est obtenu en faisant la
synthèse des résultats d’études antérieures. C’est ce que l’on appelle
une « méta-étude ». Une méthode risquée, car il suffit d’omettre une
seule étude pour changer le résultat de manière significative.

On applique ensuite ce taux à
la partie de la population qu’on estime concernée par l’exposition à
fumée passive (conjoints et collègues de fumeurs, employés de
l’hôtellerie restauration, etc.). Des chiffres qui reposent, ici
encore, sur des estimations. Et on obtient le nombre de morts. « C’est assez pifométrique », reconnaît Catherine Hill, statisticienne à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, elle-même auteur de nombreuses études. « La marge d’erreur est importante. D’où l’intérêt de toujours donner la fourchette la plus basse. » Mais bien sûr, c’est moins impressionnant.

Des effets nocifs réels, mais faut-il en rajouter ?

C’est pourtant sur la base de cette étude européenne
que s’est tenue, en juin 2005, au Luxembourg, une conférence sans
précédent réunissant les ministres de la Santé des Etats membres, les
représentants de la Commission, les syndicats et chercheurs pour
débattre d’une législation anti-tabac. Une conférence sponsorisée par…
les laboratoires pharmaceutiques Pfizer (Nicorette et Champix) et
GlaxoSmithKline (Niquitin) (Voir encadré).
Depuis, les règlementations anti-tabac se sont succédées en Espagne, au
Royaume-Uni, en France, en Belgique et au Luxembourg en 2006, en
Allemagne en 2007.

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L’arme absolue
© Morvandiau

Faut-il le regretter ? Qu’on ne se méprenne pas : les dangers de la fumée passive sont bien réels (voir encadré Et pourtant, le tabagisme passif est bien nocif),
notamment sur les systèmes respiratoire et cardiaque, comme le confirme
Catherine Hill, épidémiologiste spécialiste des cancers, à l’Institut
Gustave Roussy de Villejuif. « Aujourd’hui, on peut
affirmer que le tabagisme passif tue et cause de nombreuses
pathologies. Il est difficile d’évaluer précisément l’ampleur. Mais
qu’il y ait 10 morts ou qu’il y en ait 1 000, cela reste des morts de
trop »
. C’est aussi l’avis du Professeur Robert Molimard, tabacologue et chercheur à l’Institut Paul Guiraud de Villejuif : « La réalité est déjà lourde, il ne sert à rien d’en rajoute, dit-il. A se laisser entraîner dans une surenchère sans bases scientifiques solides, on décrédibilise toute action », déplore-t-il.

Brandies par les associations anti-tabac, des
affirmations alarmistes continuent pourtant à se propager, reprises par
les politiques et les médias. « Ce n’est plus la science qui dicte l’agenda, mais
l’agenda des lobbies anti-tabac qui dicte leur interprétation des
preuves scientifiques »
, regrette le chercheur américain Michael
Siegel. Lui-même militant de l’interdiction de fumer dans les bars et
restaurants, il vient de créer un site web pour démentir les
informations erronées qui risquent de discréditer le mouvement. Comme
cette campagne choc outre-Atlantique qui affirme que trente minutes
d’exposition à la fumée passive peuvent suffire à causer un infarctus
ou une sclérose des artères chez un non-fumeur en bonne santé… alors
qu’il faut des années à un fumeur régulier pour développer ces
pathologies.

Anti-tabacs?industrie pharmaceutique, les liaisons discrètes

Un monde où tout le monde
arrêterait de fumer, c’est leur rêve. C’est aussi celui des
laboratoires pharmaceutiques, préoccupés d’écouler gommes, patches et
médicaments miracles. Un intérêt commun bien compris qui peut conduire
à des relations discrètes.

Ainsi, le premier congrès la
Société française de Tabacologie, en octobre dernier, était placé sous
le haut patronage de Roselyne Bachelot… et le sponsoring des
laboratoires Pfizer (Champix) et Pierre Fabre Santé (Nicopatch).

Quand les entreprises du
médicament ne décident pas de créer elles même leur association, en
toute transparence. Sur le site web de l’association Tabac &
Liberté, on lit ainsi que « Les Laboratoires Pierre
Fabre Santé ont jugé que la démarche de Tabac & Liberté allait dans
le sens de leurs actions prévention santé et ont décidé d’accompagner
cette démarche dans un partenariat qui se poursuit depuis la création
de l’association en 1994 et qui se poursuit depuis dans les meilleures
conditions. »
On n’en doute pas.

Des micro-études en étendard

Dérive typiquement américaine ? Pas si sûr. On apprend ainsi sur le site web du Comité national contre le tabagisme
(CNCT), l’une des principales associations anti-tabac subventionnées
par l’Etat, que le risque cardiovasculaire du tabagisme passif « est
à ce point élevé, que certains auteurs l’estiment assez proche (80 à
90 %) de celui présenté par les fumeurs actifs […] De plus, et ceci est
important, ce risque survient pour des durées courtes d’exposition à la
fumée environnementale, de l’ordre de quelques minutes à heures. Le
résultat de cette exposition se traduit par la survenue de crises
d’angines de poitrine et d’infarctus, avec leurs conséquences souvent
dramatiques. »

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Pas de risque
© Nardo

Une affirmation qui fait froid dans le dos… sauf que, à
y regarder de plus près, selon l’étude citée, ce sont les conséquences
à court terme de l’exposition au tabagisme passif qui sont similaires à
celles du tabagisme actif. La même réaction qui se produit lorsqu’on
mange un plat riche en graisses et qui ne présente, à court terme,
aucun danger sérieux pour la santé. L’augmentation du risque existe
bien sur le long terme mais elle n’est « que » de 30%, selon l’étude citée.

Et pourtant, le tabagisme passif est bien nocif

S’il est difficile de donner
des chiffres, aucun chercheur sérieux ne conteste la réalité des effets
délétères du tabagisme passif. Il est prouvé qu’une exposition
régulière (conjoint de fumeur, non-fumeur partageant le bureau d’un
fumeur, personnel des bars et restaurants, etc.) à la fumée passive :

- augmente le risque de cancers du poumon et de maladies cardiovasculaires

- peut aggraver l’asthme et provoquer des infections respiratoires

- peut provoquer des rhinopharyngites et des otites chez l’enfant

- est responsable d’une partie des morts subites du nourrisson

- peut avoir des conséquences sur le f?tus si une femme enceinte est exposée.

Sur le court terme, un
environnement enfumé constitue une gêne pour de nombreux non-fumeurs et
peut provoquer une irritation des yeux et de la gorge.

Autre « preuve » citée par le CNCT
des ravages cardiovasculaires de la fumée passive : les chiffres
impressionnants relevés dans deux villages américains. À Helena
(Montana) et Pueblo (Colorado), le passage d’une législation anti-tabac
aurait conduit à une baisse respectivement de 40% et 27% des infarctus
dans les mois suivant l’interdiction. « Une magnifique démonstration »
de l’efficacité de la loi, selon le médiatique Professeur Bertrand
Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme
(OFT).

Pourtant, des voix se sont élevées jusque dans la prestigieuse revue Nature
pour contester la valeur de ces études, réalisées sur un très petit
nombre de personnes et sans tenir compte des biais possibles. « Aucune des études ne précise si le changement intervient chez les fumeurs ou chez les non-fumeurs » pointe Michael Siegel, de l’Université de Boston. « Il
est donc probable que, si baisse il y a, elle correspond en fait aux
fumeurs actifs qui ont réduit leur consommation suite au passage de la
loi, et non aux victimes de tabagisme passif. »

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Lutte active
© Nardo

Surtout, ces conclusions ne se vérifient pas à plus
grande échelle. La Floride, l’Oregon ou l’état de New-York se sont
dotés de législations similaires, et aucune baisse du nombre
d’infarctus n’a été constatée, une légère hausse ayant même été
observée dans les deux derniers cas. Le débat vient de revenir sur le
devant de la scène avec la publication d’une étude italienne qui relève
une baisse de 11 % des maladies cardiaques en 2005, année d’entrée en
vigueur de l’interdiction de fumer dans le pays. Problème : les
affections cardio-vasculaires avaient déjà baissé dans la même
proportion l’année précédente.

Des données qui auraient dû modérer les certitudes de certains militants. « Mais franchement, je ne pense pas que les activistes anti-tabac s’en soucient réellement », déplore Michael Siegel. « Tant que leurs objectifs politiques sont atteints, je ne pense pas que l’intégrité scientifique ait vraiment droit de cité ». Vu comme ça, une Europe sans fumée est leur plus belle réussite.

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