Le chantier antidrogue de Sarkozy

Dernière mise à jour le 26/07/2016

Va y avoir du sport pour les associations d’usagers et autres partisians de la réduction des risques liés à l’usge de drogue…

Date : 19/10/2007
Source : http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=879
par Anaud Folch 

Sanction contre les consommateurs de cannabis, suppression de
subventions, ouverture de "centres thérapeutiques"… En ma­tière de
drogue, aussi, le chef de l’État veut la rupture. Jusqu’où ?

Le
"monsieur drogue" du président, c’est lui. Ancien substitut au tribunal
de Paris, Étienne Apaire a été de 2002 à 2004 le conseiller judiciaire
de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. Il est aujourd’hui le
président de la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la
drogue et la toxicomanie), chargée de coordonner l’action des… dix-neuf
ministères concernés (Santé, Jeunesse et Sports, Justice, Éducation
nationale, Intérieur…).

Sitôt connue, sa
nomination a provoqué la colère des associations de gauche. «
Réactionnaire », « partisan du tout répressif », a immédiatement réagi
Act up. « Cela m’a étonné, car ils l’ont fait sans même demander à me
rencontrer, répond Étienne Apaire (lire notre entretien page 32). À
croire, sans doute, que d’avoir travaillé avec le président de la
République est, par nature, inconvenant. »

L’élection de Sarkozy
et la nomination de son ancien conseiller à la tête de la Mildt
annoncent-elles un "durcissement" de la politique antidrogue ? Dans un
courrier en date du 20 avril, adressé, durant la campagne
présidentielle, à Serge Lebigot, président de l’association Parents
contre la drogue, le futur chef de l’État ? qui s’est peu exprimé sur
ces questions ? se posait, déjà, en adversaire résolu du laxisme. Sur
les drogues dites "douces", d’abord. « Il n’existe pas de distinction
entre ­drogues douces et drogues dures, toutes les drogues sont
néfastes », écrivait-il. Favorable au « délit d’usage » pour les «
simples consommateurs » de haschich afin de « redonner une valeur à
l’interdit », Sarkozy y prônait des « stages de sensibilisation aux
dangers de l’usage de produits stupéfiants ». Mot pour mot ce que vient
d’annoncer Étienne Apaire ? précisant que ces « stages » seraient «
obligatoires et payants ». Une décision en totale rupture avec les
pratiques actuelles ? selon une directive révélée par Paris Match,
certains départements n’interpellent même plus les détenteurs de
cannabis pour une quantité de moins de 10 grammes (trente joints !).

Même
volonté de "rupture", ou au moins d’inflexion, concernant un autre
volet, plus méconnu, de l’action publique en matière de toxicomanie :
la politique dite de "réduction des risques". Lancée dans l’urgence en
1996 afin de faire face à l’augmentation considérable des cas de sida
(en particulier chez les héroïnomanes), cette politique s’est fixé
comme priorité, non la lutte contre les drogues elles-mêmes, mais la
prévention des "risques" liés à leur consommation (maladies et
overdoses, notamment). Cela par le biais de trois axes : la
distribution gratuite de seringues ; la prescription et le
rembour­sement par la Sécurité sociale de deux drogues de substitution
(100 000 toxicomanes sous traitement méthadone ou Subutex) ; enfin, les
subventions aux associations, y ­compris d’usagers, informant sur les
"pratiques à risque"…

Là encore, même s’il reconnaît que la «
réduction des risques » a été un « succès » en matière de santé
publique (diminution par cinq des overdoses et par dix des nouveaux cas
de sida chez les toxicomanes), Étienne Apaire ne s’en fixe pas moins un
nouvel objectif : « Renforcer l’idée selon laquelle la substitution
n’est pas une fin en soi et qu’il faut en sortir. »

Ce que
Sarkozy écrivait, lui aussi, au président de Parents contre la drogue
durant la campagne présidentielle : « Je trouve incohérent de vouloir
réduire certains risques en en autorisant ­d’autres. […] La délivrance
de drogue, même sous contrôle médical, me ­semble totalement contraire
à cet objectif. » Plus question, donc, comme c’est aujourd’hui le cas,
de prescrire ad vitam æternam méthadone et Subutex aux toxicomanes
(certains sous traitement depuis plus de dix ans !). ­Quatre
communautés thérapeutiques visant à l’abstinence (sans drogues de
substitution) vont ainsi être ouvertes prochainement par Étienne Apaire.

De
même, le "monsieur drogue" de Sarkozy vient-il, cette semaine, de
discrètement retirer sa subvention (140 000 euros [NdT+:ce chiffre est faux mais on ne va pas donner le vrai histoire que le journaliste de valeurs actuelles qui en est l’auteur fasse son travail]) à l’association Asud
(Auto-support des usagers de ­drogues), laquelle ose revendiquer «
l’usage des drogues comme droit légitime et imprescriptible protégé par
la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ».

En proposant de
« changer de braquet », le chef de l’État prend le contre-pied des
politiques menées jusqu’alors par ses prédécesseurs ? Mitterrand et
Chirac. Mais il prend aussi à rebrousse-poil certains de ses amis. Car
si, tirant le signal ­d’alarme, 178 parlementaires, emmenés par le
député UMP de la Gironde ? et ancien magistrat ? Jean-Paul Garraud,
réclamaient, en juin 2006, la création d’une commission d’enquête sur «
l’utilisation des fonds publics et sur la politique générale de l’État
en matière de toxicomanie », d’autres, « par mé­connaissance ou
conformisme », comme le dit Garraud, ont largement cédé au «
laisser-aller » et « laisser-faire ». Ainsi, par exemple, de Bernard
Kouchner, ex-signataire de "L’Appel du 18 joint", expliquant en 2004
dans son livre Quand tu seras président (Robert Laffont) ? coécrit avec
Daniel Cohn-Bendit : « Je suis pour la réglementation de l’usage du
cannabis, exactement comme nous avons réglementé l’usage de l’alcool ou
du tabac. Le produit lui-même, contrôlé et taxé par l’État, n’est pas
prohibé mais borné d’interdits : pas dans la rue, pas au volant, pas
avant la majorité, etc. » Qu’en pense-t-il aujour­d’hui ?

Plus
dangereux encore, peut-être, car touchant à l’héroïne, la proposition,
remontant à 2006 et passée totalement inaperçue, du député UMP des
­Vosges Michel Henrich, lequel « préconise d’expérimenter la création
de salles de consommation » pour les usagers de drogues injectables ?
les fameuses ­ "salles de shoot" éprouvées, avec des résultats
dramatiques, en Australie et aux Pays-Bas !

Décidé à rompre avec
ces dérives, le chef de l’État ira-t-il, pour autant, jusqu’au bout de
sa rupture ? Serge Lebigot ? dont Sarkozy vante « l’engagement
remarquable » ? réclame, en outre, « la classification comme stupéfiant
du Subutex » prescrit aux héroïnomanes (aujourd’hui… dixième produit le
plus remboursé par la Sécu, il fait l’objet d’un large trafic de rue,
considéré comme un simple trafic de médicament). Il propose aussi, sur
le modèle suédois ? salué par l’Onu ? des séances de "testing" dans les
­écoles ? « une mesure préventive et anonyme destinée à informer les
parents de ­l’éventuelle addiction de leurs enfants avant qu’il ne soit
trop tard ». De même se dit-il favorable à ce que « tout élu qui fait
la promotion des drogues soit déchu de son mandat ». On n’en est,
certes, pas encore là. Il n’empêche : dans le courrier qu’il lui a
adressé, Sarkozy l’affirme : « Je ne saurais tolérer l’attitude
irresponsable d’un élu qui favoriserait ou susciterait un compor­tement
illégal. » Même s’il ­s’agit d’un ministre ?

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