Scandale dans la gestion des scellés judiciaires

Dernière mise à jour le 18/07/2016

Quand ceux qui répriment le trafic font également du trafic…

Date: 27/09/2007
Source : http://www.lefigaro.fr/france/20070927.FIG000000292_scandale_dans_la_gestion_des_scelles_judiciaires.html
 

Le sort des
multiples saisies qui engorgent les greffes justifie un audit des
inspections de la police et de la justice, sous la houlette de Bercy.


RIEN ne va plus avec les scellés judiciaires. Ces pièces à conviction que l’on cachette toujours à la cire, comme au XIXe siècle,
en vue de leur exploitation jusqu’à la phase du procès, sont source
d’innombrables problèmes dans les services d’enquête et les
juridictions. Des disparitions sont signalées, parfois même de
véritables trafics. « Il n’existe pas un département en France qui
n’ait pas au moins une procédure pendante relative à des détournements
ou des pertes de scellés »
, confie, embarrassé, un haut magistrat.
Au point qu’un audit de l’Inspection générale des services judiciaires
(IGSJ) et de la police nationale (IGPN) vient d’être ordonné pour en
rationaliser la gestion.

 
Bercy, qui supervise la mission de ces incorruptibles, estime à 40 000
le nombre de crimes et délits donnant lieu chaque année à l’apposition
de scellés. Les saisies concernées relèvent de l’inventaire à la
Prévert : bijoux, ordinateurs, armes, substances illicites, pièces
d’identité authentiques ou falsifiées, vêtements, oeuvres d’art…
Autant d’objets qui encombrent, pour la plupart, les cavernes d’Ali
Baba des greffes. Ils seront restitués in fine
à leur légitime propriétaire, détruits ou vendus par les Domaines. Coût
de gestion pour la justice en 2006 : 18,3 millions d’euros. La seule
garde d’une voiture en fourrière lui coûte 3,20 euros par jour. Et il y
en a des dizaines de milliers !
 
Face aux inévitables tentations, des consignes ont depuis longtemps été
données aux agents. L’argent saisi, par exemple, doit être transféré
sans attendre à la Caisse des dépôts et consignations. On ne doit
conserver qu’un échantillon des prises les plus importantes de drogue.
 
En janvier dernier, pourtant, une affaire a fait l’effet d’un
électrochoc : le patron de la brigade des stupéfiants de la Sécurité
publique de Strasbourg a pu détourner plusieurs kilos d’héroïne, avec
la complicité de la greffière en chef du tribunal de grande instance de
la ville. Il les puisait dans les stocks qu’il était censé détruire,
pour les écouler en Allemagne. Plus récemment, à Dax, un autre greffier
subtilisait du cannabis pour le vendre à la sortie des lycées.
 
Un fonctionnaire des Douanes détourne 850 000 euros
 
Les magistrats ne sont pas épargnés. À Bayonne, l’ex-procureur Pierre
Hontang, révoqué le 18 septembre dernier, après sa condamnation pour
l’utilisation d’une carte bancaire volée à un collègue pour s’offrir
les services d’une prostituée, est suspecté d’avoir pioché dans des
scellés d’argent plusieurs années durant. Les fourrières aussi
s’illustrent régulièrement, comme à Lyon, où les voitures gardées
tombaient malencontreusement des chariots, avant d’être réparées et
revendues. La palme du détournement crapuleux revient à un
fonctionnaire de la Direction nationale des recherches et enquêtes
douanières condamné l’an dernier pour avoir fait main basse sur
850 000 euros !
 
Bien sûr, ces affaires témoignent que les institutions ont su réagir en
sanctionnant les brebis galeuses. Mais la vigilance est plus jamais de
mise. L’acheminement des scellés est aussi à revoir. En août 2004, des
restes humains envoyés à l’expertise par la Poste avaient été
découverts dans un colis endommagé. Bercy a indiqué quelques pistes de
réforme, comme l’utilisation systématique des « codes-barres » (c’est
aujourd’hui le cas pour les scellés de prélèvements humains) et de
codes d’accès pour suivre les objets à la trace et ceux qui les ont
manipulés.
 
Le temps de la cire est compté. Et la justice appelle à dégraisser les
stocks avec rigueur, sous peine de voir perdurer certains
accommodements. Un parquetier d’une grande ville avait ainsi trouvé une
astuce pour se débarrasser plus vite des télévisions et autres
matériels encombrants que personne ne venait réclamer : il les plaçait
dans une salle inondée chaque hiver par la crue du fleuve longeant le
palais. Une destruction par anticipation…

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