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Les mesures que Roselyne Bachelot n’a pas annoncées aux rencontre de la RdR…
Source :
http://www.liberation.fr/societe/0101124396-drogue-apprendre-a-se-piquer
Date :15-10-2008
Mais que se passe-t-il au ministère de la Santé ?
Ces derniers mois, Roselyne Bachelot évitait les sujets qui fâchent.
Et voilà qu’elle se décide à donner une impulsion à la
réduction des risques, surtout chez les toxicomanes. Demain, lors
des Rencontres nationales de la réduction des risques, elle
annoncera des «programmes d’éducation aux risques liés à
l’injection».
«La lutte contre les addictions doit être
humaniste mais aussi pragmatique, nous a-t-elle précisé. La
politique de réduction des risques ne saurait résumer une politique
de lutte contre les addictions, mais elle y tient une place
essentielle au même titre que les mesures de prévention, de prise
en charge et d’interdit.» Bonne nouvelle, car il ne se
passait plus grand-chose dans ce domaine. «On gère l’existant»,
notait Valère Rogissart, directeur d’un centre de soins.
Contamination. La politique de
réduction des risques, c’est une politique de bon sens : il s’agit
– pour ceux qui se droguent et en particulier se piquent – d’éviter
les dommages collatéraux, surtout le risque du sida et des
hépatites. D’où ces programmes d’échanges de seringues et ceux
de produits de substitution, la méthadone et le Subutex. Politiques
du moindre mal, elles ont apporté des résultats spectaculaires : la
contamination par le sida par voie intraveineuse chez les toxicomanes
est tombée à moins de 2 %, alors qu’elle était montée à 70 %
dans les années 90.
Signaux. «Aujourd’hui, les
pratiques de toxicomanie ont fortement changé. L’héroïne
revient, on la prend souvent pour éviter les descentes après la
cocaïne. Et la cocaïne s’est énormément développée, on s’en
injecte de plus en plus», détaille Valère Rogissart. Jusqu’à
l’initiative de Roselyne Bachelot, le discours était centré sur
la répression de l’usage et sur l’affichage de l’interdit. La
Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie), hier fer de lance de la politique de réduction des
risques, est même jugée comme un frein à cause de son nouveau
président, Etienne Apaire, magistrat et ancien du cabinet de Sarkozy
au ministère de l’Intérieur. Tous les grands noms des
intervenants en toxicomanie s’en étaient inquiétés dans une
tribune, parue dans Libération du 26 mai.
Or, des problèmes nouveaux s’accumulent. Chaque
année, on estime à plus de 3 000 les contaminations par
l’hépatite C chez les toxicomanes. Il y a les blessures
cutanées chez les consommateurs de crack, mais aussi les usages
détournés des produits de substitution, sans oublier les overdoses.
En dépit de ces signaux, le ministère de la Santé a paru comme
absent, tétanisé par une majorité parlementaire peu sensible à
ces questions.
Aujourd’hui, Roselyne Bachelot semble décidée à
avancer. Ainsi a-t-elle décidé de demander à l’Inserm (Institut
national de la santé et de recherche sanitaire) une expertise sur
ces politiques. «Il faut maintenant nous reposer sur un
fondement scientifique à ces politiques, en finir avec les faux
clivages», dit-on au ministère. Plus original et plus
courageux sont les programmes d’éducation aux risques d’injection.
«Il ne s’agit pas de faire des shooting rooms, mais d’aider
à bien se shooter. Et d’abord en évitant que tout se passe dans
les chiottes, explique Jean-Marc Priez, président de ces
Rencontres nationales. Il y a un risque élevé lors de la
première injection, il faut aider à l’éviter.» Des séances
d’éducation se tiendront dans certains centres d’accueil et
d’accompagnement. «Il faut voir les techniques les plus
efficaces, explique-t-on auprès de Bachelot. On va financer des
associations, comme Aides ou Médecins du monde, pour qu’elles
fassent des études sur ces programmes.» Un comité de pilotage
les encadrera.
Prescription. De même sont
relancées les initiatives pour intégrer les pharmaciens dans cette
politique ainsi qu’une «recherche-action» pour déterminer
comment intégrer des généralistes dans la prescription de la
méthadone, aujourd’hui réservée aux centres. Toujours
dans un esprit pratique, quid des «pipes à crack» ? Elles
pourraient être plus diffusées, ce qui éviterait des complications
aux usagers. Enfin, l’Institut de veille sanitaire surveillera de
près les overdoses.
«Je souhaite que la réduction des risques
gagne une légitimité scientifique qui la sorte des débats
idéologiques où la tentation peut être de l’enfermer»,
note la ministre. Certes, cela reste mesuré, mais lors de ces
journées la ministre devrait recevoir un bon accueil. Cela fait des
années qu’un membre du gouvernement ne s’était pas déplacé
pour ce genre de rencontres.