La question du chanvre embarrasse les défenseurs de la loi sur les stupéfiants

Dernière mise à jour le 26/07/2016

En Suisse, le statut du cannabis  est le point
le plus controversé du débat politique sur les drogues…

Source : http://www.letemps.ch/template/suisse.asp?page=5&article=240196
Date : 23-09-2008

DROGUES. Faut-il ancrer la politique
des quatre piliers dans la loi? Faut-il dépénaliser le
cannabis? Les citoyens se verront poser ces deux questions distinctes
le 30 novembre. Au risque de parasiter sérieusement le débat.

C’est un hasard du calendrier. Qui fait
bien les choses pour les partisans d’un retour à la fermeté
dans la politique des drogues: les Suisses voteront deux fois sur
cette politique le 30 novembre. Une fois pour accepter ou refuser une
initiative visant la dépénalisation du chanvre. Et
l’autre pour accepter ou refuser la nouvelle loi sur les stupéfiants.
Cette dernière, qui consacre la politique des quatre piliers –
prévention, thérapie, répression et aide à
la survie – a été adoptée par les Chambres en
mars et attaquée par un référendum des
Démocrates suisses.

Cette conjonction est accueillie avec
satisfaction par le conseiller national Luc Barthassat (PDC/GE), l’un
des rares Romands à soutenir le référendum
contre la loi sur les stupéfiants. «Les deux textes vont
dans le sens d’une banalisation des drogues et c’est ce que nous
combattons», résume-t-il. L’initiative, renchérit
Claude Ruey (PLS/ VD), également favorable au référendum,
«vise plus clairement l’extension de l’accès aux drogues
que la loi promeut de façon plus dissimulée».

Minces chances de succès

En clair: l’initiative, dont les
chances de succès semblent assez minces dans le climat de
retour à l’autorité qui prévaut actuellement,
pourrait emporter la loi avec elle. Alors qu’en elle- même,
cette dernière semble apte à recueillir une majorité.
C’est bien ce qui fait peur dans le camp des partisans de cette
dernière.

Leur situation est d’autant plus
délicate qu’ils sont nombreux à être favorables
aux deux projets, qui coexistaient d’ailleurs, à l’origine,
dans un seul texte élaboré par le Conseil fédéral.

Le gouvernement proposait à la
fois d’ancrer la politique des quatre piliers dans la loi, de
dépénaliser la consommation et, à certaines
conditions restrictives, la vente de cannabis.

Acquis reconnus

Cette seconde proposition a fait peur
aux députés, qui l’ont écartée. Mais ils
ont fini par accepter, à une très confortable majorité,
de consacrer dans la loi une politique dont les acquis sont reconnus
par la plupart d’entre eux.

Ces acquis convainquent également
sur le terrain, où une très large coalition de
médecins, d’enseignants, de policiers et de spécialistes
des dépendances s’est formée pour défendre la
loi. Les intervenants en toxicomanie, qui en constituent le fer de
lance, sont aussi favorables à la dépénalisation
du cannabis. Mais ils mettent une sourdine à cet aspect de
leurs revendications pour ne pas mettre en danger un texte qu’ils
considèrent indispensable pour leur travail.

C’est également la ligne
qu’entend suivre Felix Gutzwiller (PRD/ZH). Le directeur de
l’Institut zurichois de médecine sociale et préventive
s’engagera pour la loi mais gardera ses distances avec l’initiative.

Les électeurs comprendront

A gauche, on s’apprête à
défendre les deux textes, même si l’on est conscient du

danger que l’initiative fait peser sur la loi. «Il faudra bien
expliquer la différence entre une loi qui ne change pas la
réalité pratique mais la consacre et une initiative qui
vise à remédier à certains aspects de cette
réalité. Mais je fais confiance à l’intelligence
des électeurs», résume Liliane Maury Pasquier
(PS/GE).

Coprésident du comité
d’initiative, Geri Müller (Vert/AG) estime même que la
situation comprend des avantages: «Le fait qu’il y ait deux
votes sur les stupéfiants permettra un débat approfondi
qui est à notre avantage car le sujet est complexe. Et cela
mobilisera une plus large coalition d’électeurs»,
espère-t-il. Mais sa hiérarchie des priorités ne
diffère guère de celle des intervenants en toxicomanie.
Un refus de l’initiative serait, pour lui, «catastrophique»
mais réparable. Un échec de la loi serait simplement
catastrophique.

Des propositions qui sont censées
réunir les partis Lundi, les auteurs de l’initiative sur le
cannabis ont présenté leur campagne.

Leur texte divise, ils tiennent à
dire que c’est à tort. Les affiches du comité
d’initiative utilisent les couleurs des quatre partis gouvernementaux
pour montrer que la dépénalisation du cannabis peut
réunir un large consensus: elle limite l’intervention de
l’Etat comme le souhaitent les radicaux, combat la narco- criminalité
selon les v?ux de l’UDC, protège les jeunes chers au PDC et
combat l’arbitraire avec le Parti socialiste.

La démarche, qui ne plaira sans
doute pas partout, vise également à rappeler que
l’initiative s’inspire d’un texte naguère promu par le Conseil
fédéral. Et les initiants ont besoin de se faire
remarquer: ils ont peu de moyens, et de nombreux objets accapareront
l’attention des électeurs.

Sur le fond, une réglementation
du marché du cannabis permettrait, soutiennent-ils, un
meilleur contrôle de son contenu en substance active et un
accès plus rapide aux thérapies des quelques personnes
qui rencontrent des problèmes avec leur consommation de
chanvre.

Quant au demi-million de Suisses
adultes qui utilisent le cannabis à des fins récréatives,
ils pourraient décider librement de leur consommation, avec
les réserves que connaissent déjà les amateurs
de vin ou de cigares: pas avant de conduire et pas là où
des tiers seraient exposés à leur fumée.

Laisser un commentaire