Plus de jeunes accros à l’héroïne

Dernière mise à jour le 26/07/2016 <!– by Kritik –>

Les récents accidents dûs à l’héroïne ne doivent pas laisser croire à un tsunami de poudre…

Source : http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/08/26/plus-de-jeunes-accros-a-l-heroine_1088031_823448.html
Date : 26.08.08

Les signaux sont au rouge. La consommation
d’héroïne, qui s’était écroulée depuis le milieu
des années 1990 en raison du développement des
traitements de substitution aux opiacés, serait
repartie à la hausse.

Début août, les autorités et les agences
sanitaires ont jugé la situation suffisamment
alarmante pour diffuser un communiqué conjoint
mettant en garde contre "une augmentation
continue de la consommation" de cette drogue et
"un manque de connaissance des nouveaux usagers
quant aux risques encourus".

Fait inquiétant, elle ne touche plus seulement
les usagers traditionnels d’opiacés, âgés en
général de plus de 30 ans, mais se diffuse dans
des populations plus jeunes. Deux nouveaux
publics sont concernés, souligne l’Observatoire
français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
Il s’agit, d’une part, des jeunes en situation de
grande précarité évoluant en milieu urbain et,
d’autre part, de jeunes relativement intégrés qui
expérimentent cette drogue en milieu festif
(raves, free parties, technivals mais aussi
discothèques, boîtes de nuit, fêtes) de manière
occasionnelle.

RISQUES DE CONTAMINATION

Opiacé puissant, synthétisé à partir de la
morphine, elle-même issue du pavot, l’héroïne
peut conduire à une dépendance physique et
psychique, s’accompagnant d’une tolérance qui
nécessite des doses de plus en plus importantes.
Son usage, par voie intraveineuse, présente un
risque de contamination (VIH, virus de l’hépatite
B ou C). Enfin, le consommateur n’est pas à
l’abri d’une overdose entraînant la mort par
dépression respiratoire. "L’overdose est un
risque immédiat qui peut intervenir dès la
première prise, explique Jean-Michel Costes,
directeur de l’OFDT. D’autant que la proportion
d’héroïne peut connaître des variations
importantes."

En 2006, sur 177 décès survenus par overdose, 21
% étaient imputables à l’héroïne seule, selon
l’enquête annuelle effectuée par l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de
santé (Afssaps). "En 2007, cette proportion
devrait être en hausse", précise Nathalie
Richard, responsable du département stupéfiants
et psychotropes de l’Agence, sans être encore en
mesure de divulguer les chiffres définitifs.

En Afghanistan, la production d’opium, qui
alimente le trafic d’héroïne vers l’Europe, a
atteint, en 2007, pour la deuxième année
consécutive, un "niveau record", soulignait le
dernier rapport de l’Office des Nations unies
contre la drogue et le crime.

Depuis 2004, les saisies d’héroïne, en France,
ont connu une progression régulière, passant d’un
peu plus de 500 kg à 1 051 kg en 2007, selon
l’Office central de répression du trafic illicite
de stupéfiants (OCRTIS). Cette augmentation de la
disponibilité du produit a entraîné une baisse
des prix, passés de 47-50 euros le gramme en 2005
à 40 euros en 2007. L’usage par voie nasale
apparaît aujourd’hui en nette augmentation, et
les usagers ont tendance à juger, à tort, ce mode
de consommation comme peu dangereux. "Les
nouveaux publics sniffent majoritairement
l’héroïne, ou plus rarement la fument plutôt que
de se l’injecter, poursuit Jean-Michel Costes, de
l’OFDT. Or, tous ne savent pas que ces modes
d’administration ne les mettent pas à l’abri
d’une overdose mortelle." Quatre décès suspects,
intervenus ces derniers mois dans l’Est chez des
usagers non toxicomanes qui ne se seraient pas
injecté le produit, expliquent en partie l’alerte
diffusée par les autorités sanitaires début août,
précise le directeur de l’OFDT.

L’Observatoire impute la reprise de la
consommation d’héroïne à une moindre
diabolisation de cette drogue, longtemps associée
par les jeunes qui fréquentent "les teufs" à la
déchéance du toxicomane accroché à sa seringue.
Au début des années 2000, les revendeurs ont
dénommé l’héroïne "rabla", soucieux de la
dissocier de son image très négative. "Certains
nous disent encore "moi je prends pas de
l’héroïne, je prends de la rabla"", explique
Marie Debrus, de la mission Rave à Médecins du
monde.

Toutefois, la plupart des "teufeurs" ne sont pas
dupes. "Le terme de "rablateux" (consommateur de
rabla) est même devenu péjoratif et synonyme de
toxicomane", assure Fabrice, de Techno +, une
association de prévention et de réduction des
risques. Avec des bénévoles, il distribue, lors
des soirées, des brochures d’information sur les
produits et du matériel de prévention, comme des
pailles à usage unique pour éviter les
contaminations en cas de sniff.

Les consommateurs d’héroïne en milieu festif
utilisent en général l’héroïne "pour gérer la
descente" qui intervient à la suite de la
consommation de produits psychostimulants
(ecstasy, amphétamines, cocaïne…). "Quand ces
substances commencent à perdre de leurs effets,
les jeunes peuvent ressentir petites angoisses,
blues, déprime, ou ne pas réussir à dormir.
L’héroïne va avoir un effet anxiolytique et
apaisant", explique Marie Debrus.

USAGE EN MILIEU FESTIF

Cette utilisation se serait progressivement
intensifiée depuis le début des années 2000.
Peut-on dire pour autant, comme le fait
l’Observatoire français des drogues et des
toxicomanies, que l’usage de l’héroïne s’est
"banalisé" dans les milieux festifs techno ?
Certains acteurs de terrain s’y refusent. A
Techno +, on s’étonne du coup de projecteur porté
par les autorités sanitaires sur l’héroïne, quand
d’autres drogues sont beaucoup plus consommées en
milieu festif. "Ce n’est pas l’héroïne qui pose
le plus problème. Elle reste très stigmatisée,
assure Fabrice. C’est d’abord l’alcool et surtout
l’ecstasy. Cette drogue circule de plus en plus
sous forme de poudre en gélules, au lieu de
comprimés, et sa composition nécessiterait des
analyses toxicologiques."

Selon une enquête de l’OFDT sur les substances
psychoactives chez les amateurs de l’espace
festif électro (octobre 2007), 11,6 % déclaraient
consommer de la cocaïne plus d’une fois par
semaine, 9,6 % de l’ecstasy et 4,2 % de
l’héroïne. Dans la population générale, 900 000
personnes ont expérimenté au moins une fois
l’ecstasy, contre 300 000 l’héroïne. Reste que
cette drogue apparaît particulièrement dangereuse
en cas de surdose.


Phénomènes émergents liés aux drogues en 2006
(février 2008) rapport du dispositif Trend
(Tendances récentes et nouvelles drogues) de
l’OFDT.

Substances psychoactives chez les amateurs de
l’espace festif Electro, Tendances (numéro 56,
octobre 2007)

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