L’héroïne s’en prend aux zones rurales

Dernière mise à jour le 26/07/2016

L’héroïne prend la voie des champs en Bretagne…

Source : http://www.ouest-france.fr/actu/actu_B.php?idCla=8619
Date : samedi 23 août 2008

 
Saisie
de cocaïne et d’héroïne, en janvier 2008, à Rennes. Moins chère, non
plus seulement injectée, mais aussi inhalée ou fumée, l’héroïne fait de
plus en plus de ravages.
 

La drogue s’installe même dans les petites villes. À Fougères, on
compte 500 consommateurs réguliers d’héroïne. Le phénomène explose
depuis 2006.

 

La drogue n’est pas un phénomène cantonné aux grands ensembles
urbains. Les petites bourgades ne sont pas épargnées. Les substances
les plus dures y circulent de plus en plus. Un exemple parmi, sûrement,
tant d’autres : Fougères, sous-préfecture d’Ille-et-Vilaine de moins de
22 000 habitants, où les professionnels estiment à 500 le nombre de
consommateurs d’héroïne.

Un chiffre loin d’être anodin. « À certaines périodes, il est plus facile de trouver de l’héroïne que du hachisch dans la rue », lance Jacques Jutelle, infirmier en toxicologie. Le signe du glissement d’un fléau qui se durcit.

Une drogue très accessible

Il
suffit aussi de voir la multiplication, en Bretagne, des affaires de
justice liées au trafic et à la consommation de stupéfiants pour
comprendre que la vague est loin d’être endiguée. Les gendarmes et les
policiers de Fougères confirment le chiffre de 500 consommateurs
réguliers sur la ville. « L’héroïne supplante la cocaïne. Il y a trois ans, on n’en voyait pas en campagne, confirme un gendarme. Désormais, il y a des affaires dans les petits villages, comme à Saint-Germain-en-Coglès. » Même son de cloche chez les policiers fougerais : « Durant les six premiers mois de l’année, on a procédé à cinquante interpellations, et à une saisie importante », confie l’un d’eux.

Jacques
Jutelle a assisté à cette banalisation. L’infirmier de liaison en
toxicologie travaille à l’Envol, le centre de traitement des
toxicomanies, à Rennes, depuis 1982. Il assure des permanences à
Fougères et Vitré depuis 1992. « Après une accélération fulgurante en 2002, la consommation d’héroïne a explosé en 2006 sur le bassin fougerais, analyse-t-il. Depuis
1992, le nombre de mes patients a été multiplié par dix à Fougères. À
Vitré, la consommation a également augmenté depuis début 2000. »

« Taper de la rabla »

Cette
recrudescence est, en partie, liée au prix de l’héroïne, qui s’est
effondré en 2001. À Rennes, il est passé de 150 ? le gramme en 2000 à
70 ? aujourd’hui. Voire moins encore à Fougères. Le mode de
consommation a, lui aussi, évolué. Désormais, la poudre se fume ou
s’inhale. Un mode de consommation perçu comme moins dangereux que
l’injection. Le vocabulaire a suivi. « Dans les espaces festifs, où la
drogue dure se répand, on incite à «taper de la rabla», »
explique Jacques Jutelle.

La
banalisation s’explique également par les migrations des travailleurs
pauvres et des exclus, poussés hors des grandes métropoles par la
pression immobilière. « Lorsqu’on ferme un squat à Rennes, les gens vont s’installer ailleurs », constate Jacques Jutelle. Et dans les villages, les réseaux prospèrent.

Si
la police, habituée aux trafics urbains, a l’oeil, les gendarmes, peu
habitués au problème, ne décèlent pas toujours le trafic sur le
terrain. « Mais toutes les couches de la population sont touchées, tient à souligner l’infirmier. Aucune classe sociale, aucune profession, aucun lieu géographique n’est épargné. »

Au-delà du constat, « il faut déconstruire le discours des vendeurs, qui font passer la rabla pour un produit sans danger, estime Jacques Jutelle. Mais il n’y a pas de solution miracle. « Tout ce qu’on peut faire, c’est mettre en garde les gens. »

 

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