De plus en plus encadré, le phénomène des « rave » s’essouffle

Dernière mise à jour le 18/07/2016

Selon le Monde, les Sarkovals s’essoufflent…

Source : http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3224,50-1040850,0.html
Date : 03/05/2008

Dans
la gadoue, autour d’une voiture, le groupe d’une dizaine de copains
reprend des forces. La nuit a été épuisante : alcools, cigarettes,
drogues et danses saccadées devant les énormes enceintes qui crachent
de la musique techno. "C’est génial. On a pris un Scud (un maximum) de sons. On s’est lâchés",
s’enthousiasme Julien, 24 ans, saisonnier dans l’hôtellerie et
"teufeur" (fêtard) depuis dix ans. Le repos, lui, est très relatif.
Quelques heures de sommeil dans le coffre d’une voiture ou sous une
tente. Une bouteille d’alcool à la main, une cigarette au bec et, en
arrière-plan sonore, le "boum-boum-boum-boum" surpuissant de la techno
qui ne s’arrête pas pendant quatre jours, jusqu’à la clôture du
Teknival prévue dimanche 4 mai.

Quelque 40 000 personnes, essentiellement des
jeunes de 20 à 30 ans, devraient ainsi participer à ce festival
organisé sur une ancienne base militaire de l’OTAN, à Crucey-Villages
(Eure-et-Loir). Un événement spectaculaire mais qui masque les
difficultés du mouvement techno : depuis l’époque des polémiques
médiatiques sur les "rave parties", dans les années 2001 et 2002, le
nombre de rassemblements a fortement diminué. Selon la gendarmerie
nationale, 600 rave parties, souvent organisées dans des forêts ou des
bâtiments désaffectés, avaient été "constatées" par les forces
de l’ordre en 2001, avant l’entrée en vigueur de textes soumettant ces
fêtes à l’autorisation préalable des préfectures.

"SARKOVAL"

En 2007, seulement 140 "raves" ont été constatées par les gendarmes. "Certaines
fêtes passent à travers les mailles du filet et restent
confidentielles. Mais il s’agit de celles qui rassemblent le moins de
monde. Globalement, il y a eu un fort mouvement de baisse"
, souligne la gendarmerie. "On
est arrivé à un nombre plancher d’amateurs de ce type d’activités. De
500 000 adeptes réguliers, en 2003, on peut estimer qu’on est passé à
300 000 environ aujourd’hui"
, note Lionel Pourtau, sociologue spécialisé sur ce sujet.

Les
artistes expliquent cette diminution par la difficulté à obtenir des
autorisations auprès des préfets. Avec une menace lourde en cas de
"rave" sauvage puisque la justice peut décider la confiscation du
matériel de sonorisation. Dans ce contexte, les Teknival, qui
constituent les plus gros rassemblements, une ou deux fois par an, ont
pris une importance capitale. "C’est le moment où les artistes présentent tout leur travail de l’année", explique Valère Rogissart, qui suit ces événements pour Médecin du monde depuis dix ans.

L’intérêt
des Teknival, c’est qu’ils sont légaux, donc sans risque pour les
"sound systems", ces collectifs qui installent la sonorisation.
L’inconvénient, de leur point de vue, c’est qu’ils sont fortement
encadrés par les pouvoir publics, inquiets face aux débordements (liés
à l’usage de drogue, notamment). Pour le Teknival 2008, plus de 600
policiers et gendarmes et une centaine de secouristes assurent ainsi la
sécurisation du site, survolé par un hélicoptère et entièrement clos
par une barrière métallique de deux mètres de haut.

"C’est
un encadrement obligatoire mais, pour beaucoup, cela va à l’encontre de
l’esprit des "free parties" initiales, qui se déroulaient dans la
nature, dans une logique d’autonomie"
, relève Sébastien Petit, fin connaisseur de la planète techno, militant d’une association de réduction des risques.

Face
à ces contradictions, le mouvement techno hésite sur l’attitude à
adopter. Les plus modérés tentent de poursuivre les négociations avec
les pouvoirs publics pour obtenir plus de souplesse. Les plus radicaux
estiment avoir été piégés par la réglementation. D’où leur tentative
d’organiser, en Ardèche, un festival alternatif, non autorisé, en
parallèle avec le Teknival 2008. "On est dans une situation de blocage avec l’Etat", se désole Alan, un des porte-parole de cette mouvance. Ironiquement, dans leurs rangs, on ne parle plus de Teknival mais de "Sarkoval" pour désigner la "rave" officielle.

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