THC, un canard argentin gonflé au cannabis

Dernière mise à jour le 26/07/2016

En Argentine, la réduction des risques liés au Canabis a son magazine. ASUD Journal bientôt dans les Kiosques en France ?

24/05/2007
http://www.rue89.com/2007/05/21/thc_un_canard_gonfle_au_cannabis
Laurence Rizet (Journaliste)


Les kiosques à journaux argentins ressemblent à des boîtes surprise. On
y trouve les classiques: quotidiens et périodiques d’informations
générales, magazines people et beauté, musique ou loisirs. Les pointus:
feuilles juridiques ou psy. Les décalés: Lucha armada en la Argentina;
Barcelona, un satirique aux lettres gothiques qui promet "une solution
européenne aux problèmes argentins"(!); des rejetons de Français: Le
Monde diplo et los Inrockuptibles. Et un petit dernier: thc, la revista de la cultura cannabica,
qui s’affiche insolemment avec des feuilles de cannabis en une. 76
pages sur papier glacé, bien écrit, bien mis en page… Je me suis
demandée qui avait été assez gonflé pour s’imposer sur un créneau aussi
risqué.

Le directeur s’appelle Sebastián Basalo, 23 ans, tout droit sorti de la
fac, spécialité sciences politiques. Hyper posé, très pro, il
s’explique. "La drogue est un tabou pour beaucoup de gens, il y a un
manque d’informations total et même de la désinformation et c’est sur
ce créneau qu’on se place: informer. Car où il y a un tabou, il n’y a
pas d’information, et donc pas de responsabilisation. On n’encourage
pas à fumer mais on part du principe qu’on a le droit de savoir ce que
l’on consomme: toute substance comporte des risques, il faut être
informé pour les mesurer. On explique que le crack tue. La consommation
de marihuana en elle-même, en revanche, n’a jamais tué personne, celle
d’alcool oui. Les armes et les voitures aussi, pourtant il y a des
magazines sur les armes et les voitures." Pour THC, la prohibition
encourage le trafic et la mauvaise qualité des drogues. D’où "la
section du cultivateur", 9 pages pour réaliser ses propres plantations.

Coup d’essai, le premier numéro de thc a été tiré à 10000 exemplaires.
Epuisé. Le dernier, le numéro 3, vient de sortir à presque 20000
exemplaires. Au menu: portrait de Jack Herer, "le prophète" du chanvre,
les ravages du crack dans un bidonville, un dossier pédago sur la
méthamphétamine, interview du leader de Dancing Mood, un groupe de ska
jamaïcain… Basalo et ses associés ont eux-mêmes été surpris par ce
succès. "On pensait qu’on ne ferait peut-être même pas un deuxième
numéro! Et on a même reçu des mails de parents nous remerciant de les
avoir informés…"

 

Poursuites judiciaires
Entre temps, l’Association antidrogues argentine a tenté de le faire
interdire en poursuivant la direction du magazine pour "apologie de la
drogue". La justice n’a pas suivi. "Les juges, comme nous-mêmes, ont
considéré que personne n’allait se mettre à fumer un joint juste parce
que la revue existe, c’est absurde! Nous partons du principe qu’il y a
des gens qui fument, c’est un fait; il était temps d’informer
sérieusement sur les risques de consommer certaines drogues." Ceci dit,
chaque mot de chaque article est relu attentivement par un avocat.

Evidemment, thc est pour la dépénalisation: "Vingt ans de politiques
prohibitionnistes et répressives dans le monde n’ont pas donné de
résultats positifs. La convention de Vienne l’année prochaine va
peut-être faire changer les choses. La solution en Argentine n’est pas
de légaliser maintenant mais d’aller pas à pas. Plus de liberté c’est
plus de responsabilité, c’est un problème d’éducation et de
conscientisation. Les adultes boivent de l’alcool devant les enfants,
en leur expliquant que ce n’est pas pour eux. Pourquoi on ne pourrait
pas faire la même chose avec la marihuana? C’est une question de
liberté individuelle."

Il y a quelques jours, un tribunal de Buenos Aires a relaxé une femme
atteinte d’une grave maladie poursuivie pour possession de marihuana,
considérant que "la consommation personnelle et à usage thérapeutique"
ne mettait pas en danger la santé publique. "Un grand pas en avant"
pour Sebastián Besalo. "Et si thc peut contribuer à ouvrir le débat,
tant mieux!

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