A longueur de journées de
campagne, ils courent
de meeting
en réunion, enchaînent les discours, sautent de la voiture à l’avion.
Comment font-ils
pour
tenir le choc ? Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen ont chacun leur
recette.
VERITABLES forçats
de la campagne, les candidats à la présidentielle ressemblent plus
aujourd’hui à des athlètes
qu’à des « polars » de l’ENA ou de Normale sup. Sages, trop sages ?
Les médicaments, ce n’est
pas son truc. D’accord, ça ne se fait pas.Mais la tentation était
trop forte. Et la question
lancinante : comment fait-elle pour tenir à ce rythme-là, douze,
quatorze et jusqu’à seize heures
d’affilée – comme lors de son voyage fin janvier aux Antilles -, trois
discours par jour, plus
trajets, plus interviews, plus rencontres avec la population, plus
briefings avec la presse
? Dopants, calmants, potion magique ? Il y a quelques jours, au hasard
d’une halte, la voiture
de Ségolène Royal est restée quelques instants abandonnée, portes
ouvertes. Deux journalistes
s’y sont glissés pour inspecter prestement les vide-poches. Résultat :
des barres chocolatées
énergétiques et des gâteaux Figolu. Pas même un cachet d’aspirine !
Dans son entourage, on en
rigole : « Non, elle ne sniffe pas tous les matins au 282 ! (NDLR :
son siège de campagne) ,
boulevard Saint-Germain ». Et plus sérieusement, on ajoute : « Elle a
une très bonne constitution
physique et une excellente santé mentale qui lui permet de résister à
tout. D’ailleurs, elle
se méfie des médicaments, ce n’est pas son truc ».
Sarkozy se force à boire.
A les entendre,
tous les candidats à la présidentielle 2007 font dix fois le tour de
France (DOM compris), sans
user de la moindre substance illicite. Le pire, c’est que c’est vrai.
Au prix, quand même, d’une
stricte discipline de vie. Royal, qui ne déteste pas boire un petit
verre de vin rouge durant
le déjeuner, fait presque figure de déviante dans ce petit monde des
candidats où cigarette
et alcool sont prohibés. De passage à Sancerre le 26 février, son
adversaire Nicolas Sarkozy,
qui ne boit jamais d’alcool et fait trois heures de footing par
semaine, s’est fait presque
violence pour déglutir un verre d’excellent vin blanc… Son seul péché
mignon : le chocolat noir
qu’il boulotte en permanence. Pour le reste, l’ex-ministre de
l’Intérieur se lève tôt et déteste
sortir le soir lorsqu’il n’y est pas obligé. Deux exceptions dans cette
campagne hyper-clean
: l’altermondialiste José Bové et le trotskiste Gérard Schivardi tirent
toujours sur leur pipe
et leurs blondes sans filtre. Marie-George Buffet, elle, s’est arrêté
de fumer.
Le Pen fait
son miel.
Avec ses athlètes de la politique, la campagne 2007 a un côté aseptisé.
Même Olivier
Besancenot, pourtant officiellement favorable à la libéralisation du
cannabis, s’abstient de
toute « fumette » en cette période. Le facteur de la LCR, 33 ans, a mis
entre parenthèses ses
matchs de football avec les copains et ne marche qu’à l’eau claire et
régime alimentaire sec.
« De toute façon, la campagne c’est du sport », affirme son attaché de
presse.
A l’autre bout
de l’échiquier politique et de l’échelle des âges, Jean-Marie Le Pen,
78 ans, lui aussi se soigne.
« Le Pen ne craint qu’un adversaire, le temps, racontent Marc Fauchoux
et Christophe Forcari
dans un livre qui vient de sortir*. En 2003, il fête ses 75 ans dans le
parc de sa villa de
Montretout. Le carton d’invitation précise : Le Pen tire son
dernier coup de 75 . Depuis cette
date, il se refuse à souffler ses bougies et prend un soin quasi
maniaque de sa santé ». Séjours
réguliers en Suisse à l’hôtel Mirador (ça ne s’invente pas…) où l’on
propose à la clientèle
fortunée des séances de « vitalisation » qui cacheraient des formules
de réoxygénation du sang.
Quoi
qu’il en soit, le leader d’extrême droite s’astreint durant cette
campagne à un rigoureux régime
alimentaire couplé à un agenda léger. Insomniaque, il a du mal à
démarrer le matin, malgré une
séance de pompes. « Il a un régime de grand sportif et avant un
meeting, sa recette c’est de
savourer une petite cuiller de miel », assure son attaché de presse
Alain Vizier. Vraiment pas
de cocaïne ? « Pas encore », répond, pince-sans-rire, Vizier.
Bayrou aime son lit.
Comme la
plupart des candidats, François Bayrou préfère, chaque fois que c’est
possible, rentrer coucher
dans son lit à Paris. Depuis longtemps, il n’y passe pourtant que cinq
heures par nuit ce qui
lui permet d’aller marcher tôt le matin (vers 6 heures) dans les rues
de Paris avec son ami
Philippe Lapousterle. Le candidat centriste a passé une visite médicale
approfondie au moment
de solliciter un prêt pour sa campagne. Bilan : excellent. « J’ai le
corps d’un homme de trente
ans », claironne-t-il. Pour conserver ce corps d’éphèbe, le Béarnais
est devenu, de son propre
aveu, fructivore : matin, midi et soir, il avale des kilos de fruits,
avec un goût marqué pour
les kiwis et les jus de pamplemousse. Plus des yaourts. Mais il dîne «
normalement » le soir
avec ses amis.
Leur EPO, c’est l’adrénaline.
Ce qui les fait tenir, en définitive, c’est l’espérance
de victoire pour les « gros » candidats et celle de réaliser un bon
score pour les plus petits.
« On tient sur la tension, mais gare quand ça va s’arrêter », souffle
une proche de Bayrou.
L’adrénaline du pouvoir en somme. « C’est vous qui me portez, vous qui
me donnez votre énergie
», clame souvent Royal dans ses meetings. « Avec vous, tout devient
possible », martèle Nicolas
Sarkozy, qui a fait de ce leitmotiv son slogan. « La victoire, il y
croit toujours », assure
Alain Vizier à propos de Le Pen. Comme si, pour toutes ces « bêtes » de
la politique, l’avenir
dépendait plus des hormones que des neurones.
*
« Le Pen, le dernier combat », Marc Fauchoux et Christophe Forcari, Ed.
Jacob-Duvernet.