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Les députés offrent au lobby viticole le droit de contrôler les campagnes contre l’alcoolisme…
Voici un nouveau texte de loi voté et soutenu par notre cher député Thierry Mariani qui non content d’avoir tenté de tuer les Free Party s’attache maintenant à dénaturer la prévention.
Date : 22/10/05
Source : Le Monde
Site : http://www.lemonde.fr/
Sandrine Blanchard
"Il y a la même quantité d’alcool dans un demi de bière, une coupe de champagne, un ballon de vin, un verre de pastis… pour rester en bonne santé, diminuez votre consommation d’alcool." Cette campagne de prévention, actuellement publiée dans différents journaux, à l’initiative du ministère de la santé, de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (Inpes), de l’assurance-maladie et de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), sera peut-être la dernière du genre.
Les défenseurs du monde viticole ont obtenu d’avoir désormais un droit de regard systématique sur les projets de publicité contre l’alcoolisme préparés par les pouvoirs publics.
Sans crier gare, dans une belle unanimité politique, et avec le soutien du gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté, lundi 17 octobre, en première lecture du projet de loi d’orientation agricole, un amendement créant un "Conseil de modération et de prévention".
Composé des professionnels des filières concernées "et notamment des filières viti-vinicoles" , de représentants d’association de santé et de la sécurité routière, de parlementaires et de représentants des ministères et des organismes publics, ce conseil "est consulté sur les projets de campagne de communication publique relative à la consommation des boissons alcoolisées et sur les projets de textes législatifs et réglementaires intervenant dans son domaine de compétence". Cette nouvelle instance ?
réclamée par les députés auteurs du Livre blanc sur la viticulture ? venait pourtant d’être créée par un décret gouvernemental publié au Journal officiel du 5 octobre.
Ce décret prévoyait que le Conseil "pouvait être consulté" . "Nous avons été très déçus de ces conditions de saisine" , a expliqué Alain Suguenot, député UMP (Côte-d’Or) et maire de Beaune, en présentant son amendement. Alors la possibilité de consultation a été remplacée… par une obligation. De comité consultatif, le nouveau Conseil s’est transformé en organe de contrôle.
"Cela permettra de modérer les campagnes de prévention parfois discriminatoires envers les producteurs de vins et de champagne" , s’est félicité le député UMP (Marne) et viticulteur, Philippe-Armand Martin, l’un
des auteurs du Livre blanc. "La dernière campagne des pouvoirs publics, qui caricature le vin, met nos campagnes en émoi, notamment dans les zones viticoles", a fait valoir Thierry Mariani (UMP, Vaucluse).
Le docteur Alain Rigaud, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), ne cache pas ses craintes. "Cet amendement est le signe d’un changement inquiétant car il met sous tutelle la santé publique" , dénonce-t-il.
Au mois de janvier, le lobby viticole avait perdu la bataille visant à assouplir la loi Evin en matière de publicité. "Il est absolument nécessaire de ne pas modifier l’esprit de la loi Evin dans un pays qui compte 45 000 décès annuels dus à l’alcool et 5 millions de personnes exposées à des difficultés médicales, psychologiques et médico-sociales du fait de leur consommation d’alcool", avait alors rappelé, devant les
parlementaires, Philippe Douste-Blazy, l’ancien ministre de la santé.
Cette fois, le lobby viticole, relayé par des députés de tous bords, vient d’obtenir qu’il n’y ait plus de campagne de prévention qui "diabolise le vin" , selon les termes du ministre de l’agriculture, Dominique Bussereau.
Le docteur Rigaud se dit "troublé" par l’unanimité politique obtenue sur cet amendement.
Les députés socialistes Claude Evin et Jean-Marie Le Guen, plus habitués à suivre les débats relatifs à la santé qu’à l’agriculture, reconnaissent qu’ils n’ont pas vu le loup. "C’est un coup tordu, une méthode de piratage parlementaire et un abandon des prérogatives de santé publique", déplore M. Le Guen.
D’autres redoutent que cet amendement fasse "jurisprudence" et qu’il puisse être décliné sur d’autres enjeux de santé publique. Pourquoi pas, par exemple, un conseil de "modération et de prévention" avec l’industrie
agroalimentaire qui contrôlerait les campagnes de lutte contre l’obésité ?