L’ayahuasca, le chamane et les initiés

Dernière mise à jour le 26/07/2016

L’ayahuasca, cette drogue mystérieuse qui attire discrètement toute sorte de gens…

Source : http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/07/25/l-ayahuasca-le-chamane-et-les-inities_1076871_0_2.html
Date : 25/07/2008

Kajuyali Tsamani
verse le jus noir d’une bouteille dans un seau de plastique. C’est une
décoction d’ayahuasca, le mystérieux breuvage des chamanes amazoniens.
Il ajoute trois bons litres d’eau, remue à la spatule, une mousse
marron apparaît. Kajuyali Tsamani est un curandero, un guérisseur de la
Colombie andine. La mixture ressemble à du chocolat. "Je la caramélise pour mieux la conserver et lui enlever son amertume",
explique-t-il en souriant – il sourit toujours. Il porte une chemise
blanche, un chapeau à perles, une bague à tête de jaguar. Nous quittons
la petite tente pour rejoindre le grand marabout où doit se dérouler la
"cérémonie". Nous sommes dans la campagne néerlandaise.

A l’intérieur, les
organisateurs de ce cinquième "week-end ayahuasca" ? 400 amateurs
européens ? ont voulu créer une ambiance "chamanique". Un grand totem
fait de peaux de mouton, de cornes de vache et d’ossements garde
l’entrée. Au milieu, une fourrure mitée, des parures de plumes, des
cristaux, des congas entourent un jaguar en plâtre. Cela fait assez
mauvais western. Tout autour, une quarantaine de personnes attendent,
enfoncées dans des sacs de couchage. Autant de femmes que d’hommes. De
25 à 45 ans. Cadres en costume et artistes chevelus, étudiants, gens
chics et routards. Des Allemands, Belges, Espagnols, Français,
Néerlandais, Lituaniens. Certains ont pris des champignons
hallucinogènes à Bali, de la mescaline au Mexique. C’est au tour de
l’ayahuasca. 100 euros le verre. Une nuit de visions garantie.

Les
effets stupéfiants de l’ayahuasca semblent terriblement puissants, à
les écouter ? comme à consulter les reportages et récits touristiques,
ouvrages sérieux ou "new age", sites de vente directe ou ethnologiques
apparus depuis que la vogue pour le chamanisme gagne l’Europe. Car
beaucoup en ont pris la veille. Un Français dit s’être roulé dans la
terre, en avoir mangé, s’être transformé en animal. C’était terrifiant,
mais une "révélation". Laquelle ? "J’ai été confronté à mes peurs les plus archaïques, et je les ai affrontées." 
Un musicien allemand a éprouvé l’impression que des racines
envahissaient son cerveau, puis se transformaient en serpents.
Qu’a-t-il appris ? "Mon ego a dû abdiquer, s’abandonner aux visions. C’est comme si je visitais mon esprit."
Une jeune femme raconte avoir été assaillie par des visions
extraordinaires de fleurs et de végétation en mouvement, et la lune a
murmuré son nom. Pourquoi veulent-ils prendre une drogue si forte ? En
reprendre ce soir ? Qu’est-ce qu’ils cherchent ? Certains avouent
chercher un "bon trip". D’autres, non sans romantisme, rêvent
de redécouvrir un savoir visionnaire oublié, préservé par les chamanes
et la forêt. Plusieurs en parlent comme d’une expérience mystique.
Certains veulent explorer leur inconscient. Ce soir, tous escomptent
des révélations. C’est de l’"anarchisme spirituel", dit un peintre espagnol. Comment l’organisateur, un voyageur néerlandais, voit-il cet engouement ? "C’est la plante qui appelle les gens. C’est difficile à expliquer."

A TOUTES LES SAUCES

 

"Chamane" (ou "chaman", "shaman(e)") est un mot d’origine sibérienne. "Saman" en toungouse signifie "celui qui gesticule".
Le chamane, à la fois guérisseur et prêtre, sait entrer en contact avec
le monde surnaturel et les esprits des animaux, afin d’y intercéder
pour les hommes. En deux siècles, le terme a connu une notoriété et une
polysémie extravagante. Au xviiie siècle, dans l’Encyclopédie, Diderot,
pourfendeur des superstitions, décrit le "schaman" sibérien comme un
imposteur s’appuyant sur la peur et la jonglerie. Un siècle et demi
plus tard le chamane devient un personnage-clé de l’anthropologie.
C’est l’"homme médecine", le "féticheur", le "sorcier" que l’on semble
retrouver dans toutes les sociétés animistes. Qui est-il ? Un prêtre ?
Un guérisseur ? En 1949, Claude Levi-Strauss le présente comme un
thérapeute et un magicien, etle compare au psychanalyste : "Etrange
mélange de pantomime, de prestidigitation et de connaissances
empiriques, où l’on trouve mêlés l’art de feindre, l’évanouissement, la
simulation de crises nerveuses, l’apprentissage de chants magiques, la
technique pour faire vomir, des notions assez précises d’obstétrique,
l’emploi d’espions."
("Le sorcier et sa magie", Les Temps
modernes, mars 1949). A l’inverse, en 1950, l’historien des religions
Mircea Eliade fait du chamane le maître du sacré et des plantes
psychotropes. Par la suite, cette image mystique du chamane expert en
substances magiques s’est répandue dans les milieux des voyageurs et de
la contre-culture des années 1970, puis dans le mouvement "new age" et
holistique.

Aujourd’hui, anthropologues et ethnologues refusent
de parler d’un chamanisme universel, et l’emploi du mot "chamane" à
toutes les sauces les énerve. Eux s’acharnent à décrire des religions
animistes pleines de diversité, des traditions médicinales différant
selon les ethnies et les régions, plus encore selon les continents,
sans parler des chamanes urbains. Ils refusent d’associer à chaque fois
le chamane et l’usage des stupéfiants ? comme le dit l’ethnologue
Jean-Loïc Le Quellec (CNRS), spécialiste de l’art rupestre saharien,
l’homme n’a pas besoin d’être en transe pour éprouver le sacré ou
décorer magnifiquement des grottes. Il ajoute, moquant cette nouvelle
"chamania" : "Appeler chamanes tous ces gens, c’est finalement
prendre le risque de nier leur diversité, et renouveler les anciennes
visions réductionnistes de l’humanité, en donnant un nouveau nom à ces
autres qu’on appelait naguère sauvages ou primitifs ."
Il reste
qu’en Amérique centrale, au Mexique et en Amazonie, les curanderos
utilisent des champignons hallucinogènes (le psylocibe mexicana) et
l’ayahuasca dans leurs cérémonies de guérison ? et de nombreux
ethnologues les appellent des chamanes. On en voit plusieurs mener une
cérémonie lors du solstice d’été chez les Indiens shipibo-conibo, dans
le documentaire de Jan Kounen D’autres mondes (Ajoz Films). La
cérémonie, très impressionnante, se passe la nuit. On y entend des
chants psalmodiés, des percussions, on voit des gens rêver éveillés. On
découvre aussi Jan Kounen pris d’une frayeur immense, secouru par un
curandero. Pourquoi ces Indiens ont-ils fasciné le cinéaste ? Pourquoi
participe-t-il à leurs cérémonies de prise d’ayahuasca une fois par an
depuis sept ans ? Jan Kounen était invité au World Psychedelic Forum de
Bâle (70 chercheurs et artistes invités), qui consacrait une journée à "L’héritage des chamanes" en mars dernier.

Rendez-vous était pris : "J’en suis venu à
m’intéresser aux chamanes à cause de la science-fiction, de l’heroic
fantasy. Ensuite, j’ai commencé à me passionner pour les états modifiés
de conscience, tout en étudiant le cinéma. Un film m’a marqué, Au-delà
du réel, de Ken Russell, où le héros va à la rencontre des Indiens,
pour prendre avec eux une boisson hallucinogène. Je me suis dit, au vu
des effets décrits, qu’il existait de véritables voies d’accès au
fantastique. Après avoir réalisé Dobermann, il fallait que je découvre
le sens de mon existence. J’ai voyagé en Inde, au Tibet. Je suis allé
voir les Indiens, comme le héros de Au-delà du réel. C’est là que j’ai
rencontré les chamanes et l’ayahuasca."
Qu’a-t-il appris d’eux ? Que lui est-il arrivé chez les Shipibos ? "Pendant
les cérémonies du solstice, j’ai vécu une expérience de mort imminente
, je suis passé de l’autre côté de la vie. Heureusement Quetsembetsa,
le chamane, m’a protégé. Quand je suis revenu d’Amazonie, tout ce que
je savais me semblait factice. Je n’étais plus un cinéaste de retour de
repérages, mais un type ébranlé. J’ai appelé mes producteurs, qui
finançaient le voyage : Venez avec moi en Amazonie, vous allez faire
une expérience incroyable. C’est beaucoup plus important que le cinéma.
Evidemment, ils ne l’ont pas bien pris !"
A la même époque, Jan
Kounen prépare le western Blueberry, un des plus lourds budgets du
cinéma français, qui se termine par un long duel d’entités apparues
sous ayahuasca. Ce qui a dérouté beaucoup de spectateurs, et plus
encore les producteurs. Pourquoi cette accumulation d’effets
psychédéliques ? "Je ne veux surtout pas faire de prosélytisme. Mon
histoire avec l’ayahuasca a été une expérience très éprouvante, je ne
la conseille à personne. Blueberry, dans le film, serait mort si le
chamane n’allait pas le chercher. J’ai voulu que le message soit clair
: ne prenez pas ces plantes sans guide. En même temps, je voulais en
montrer la puissance, comment elle nous transforme."
Kajuyali
Tsamani aussi était l’invité du forum sur le chamanisme de Bâle. Il
n’est pas un curandero ordinaire. S’il exerce ses soins près de la
petite ville de Chachagui, en Colombie andine, il est aussi un
anthropologue diplômé de l’Université nationale de Colombie. Il a
publié en 2004, à Bogota, La gente del jaguar (Le peuple du jaguar), où
il traite de la symbolique du félin chez les Incas et présente la
mythologie de la nation kogi. Il participait en mai 2006 avec des
psychologues, des neurologues, des médecins, au congrès international
Cultura y droga. Una mirada hacia adentro (Culture et drogue, un regard
intérieur), organisé par la société d’ethnopsychologie de Colombie.
Comment l’anthropologue William Torres Carvajal est-il devenu le
curandero Kajuyali Tsamani ? L’est-il vraiment ? Ou refait-il aux
Occidentaux l’imposture géniale de Carlos Castaneda, l’anthropologue
péruvien qui inventa, dans L’Herbe du diable et la petite fumée, les
histoires initiatiques d’un sorcier yaqui rompu aux stupéfiants
naturels et à l’invisible ? un best-seller chez les hippies des années
1970 ? Kajuyali Tsamani a répondu à ces questions avec une douceur
désarmante : "Après mes études d’anthropologie, en 1980, j’ai vécu
deux ans avec les Kogis réfugiés dans la Sierra Nevada de Santa Marta,
que je veux saluer ici. Ils vivent en dehors du monde, leur culture
précolombienne a résisté aux Espagnols, ce sont des gens pacifiques et
d’une grande spiritualité. Leurs chamanes m’ont accepté. C’est pour moi
un grand honneur. Ensuite, pendant dix années, j’ai fréquenté les
Indiens sikuani, les Kofans, les Sionas, les Muinanes, les Huitotos.
Les maîtres m’ont appris à reconnaître les plantes curatives, préparer
les parfums, les décoctions, les poudres à priser. Enfin, dans la
vallée de Sibundoy, j’ai été initié à l’ayahuasca avec le curandero
Taita Martin Agrada, qu’il soit honoré."
Kajuyali Tsamani a fondé à
Chachagui un centre de recherche sur le chamanisme, La maison du
jaguar. Il a écrit un livre sur l’ayahuasca, publié en Allemagne et en
Colombie. Pourquoi selon lui un tel breuvage hallucinogène est-il
utilisé comme remède par la plupart des ethnies indiennes de l’Amazonie
? on l’appelle yage au Pérou, datem en jivaro, hunao chez les Huitotos,
mii chez les Huaoranis ?

PURGATIVE ET LAXATIVE

 

"Ayahuasca vient du
quechua aya , ancêtre, âme, défunt, et huasca , liane, corde. Pour
nous, l’ayahuasca contient l’énergie des esprits anciens, elle est le
lien qui nous unit à eux. Elle nous aide à communiquer avec nos
parents, nos ancêtres. Selon notre mythologie, c’est une nourriture
fondamentale offerte par la Terre Mère. D’après l’archéologue
équatorien Plutarco Naranjo, elle est utilisée en Amazonie depuis deux
à quatre mille ans comme médecine et plante magique. Quant à ses
effets, c’est d’abord une plante purgative et laxative. Nous l’appelons
la purga , la purge. En Colombie, les habitants en prennent quand ils
ont des fièvres, souffrent d’alcoolisme, se sentent mal. Mais pour un
curandero, la maladie n’est pas seulement physique, elle révèle que le
patient ne vit plus en harmonie avec la nature ou ses proches.
L’ayahuasca lui donne accès aux esprits des animaux, à leur puissance.
Elle revisite le passé, fait revenir les parents disparus. C’est un
voyage intérieur qui l’aide à remettre les choses à leur bonne place."

Pourquoi Kajuyali Tsamani mène-t-il des cérémonies en Europe ?
L’initiation à l’ayahuasca lui semble bénéfique à tous. Et puis il y a
la loi de l’offre et la demande. Abandonne-t-il ses malades de
Chachagui, en Colombie andine, au profit des riches Européens ? Non, il
continue à vivre là-bas.

Dans l’Amazonie indienne, la médecine
des chamanes demeure la première méthode de guérison, et la moins
coûteuse. Les curanderos sont d’abord des rebouteux, des masseurs, des
sages-femmes. Ce sont aussi des thérapeutes qui soignent l’"âme" du
malade avec les plantes psychotropes comme le tabac et l’ayahuasca. Ils
appellent la chance, fabriquent des charmes, lancent des sorts. Nous
entrons là dans la sorcellerie. Car le chamane est aussi un personnage
ambigu, capable de magie noire, craint, souvent tenu à l’écart. Au
Pérou, on l’appelle pandra, guérisseur, sandatia, sage, mais aussi
metia nepuyera, jeteur de sorts.

La médecine traditionnelle
d’Amérique latine, longtemps méprisée en Occident, a commencé à être
étudiée sérieusement à partir des années 1970. Depuis le début des
années 1990, une nouvelle vague de chercheurs, anthropologues,
ethnologues, psychologues, ethnobotanistes, s’y attelle, n’hésitant pas
à consommer les substances pour mieux comprendre. Ainsi l’anthropologue
américain Michael Harner, qui a pris de l’ahayahuasca avec les
Shipibos, pense que la cérémonie joue un rôle de guérison cathartique.
Une de ses disciples, la psychologue Sandra Ingerman, devenue une
figure du développement personnel, parle de "recouvrement d’âme"
et de réunification du soi après un traumatisme. L’anthropologue
colombien Luis Eduardo Luna et l’américain Michael J. Winkelman parlent
d’un effet "psycho-intégrateur". En France, l’anthropologue
Patrick Deshayes (Paris-VII) décrit chez les derniers Hunis Kuins
(Brésil, Pérou) des rituels d’ayahuasca où l’on affronte et revit des
peurs profondes qui vont être maîtrisées, dominées grâce au chamane. La
psychoanthropologue américaine Marlene Dobkin de Rios, qui a côtoyé dix
ans les guérisseurs de Belen (Pérou), ces rituels sont assimilables à
une puissante séance d’hypnothérapie utilisant des techniques de
suggestion et de visualisation.

ANALYSE CHIMIQUE

Comment l’ayahuasca agit-elle ? Nous en savons plus, maintenant que
des biochimistes et neuropharmacologues étudient les plantes dites
enthéogènes, mot qu’ils préfèrent à hallucinogènes. Enthéogène ? Le
célèbre banquier passionné de mycologie, Gordon Wasson, en a donné
cette définition : "Libération ou expression du divin à travers soi".
Les études descriptives ont suivi. Sont dites enthéogènes les
substances qui déclenchent des effets psychiques proches de ceux
éprouvés et décrits par les mystiques : effroi sacré, intemporalité,
contact ou fusion avec une présence puissante, sentiment de joie ou
d’extase, revisitation du passé, coexistence des contraires, conscience
de voir agir la conscience.

De fait, les exemples historiques d’usages mystiques des plantes ne
manquent pas : Gordon Wasson a découvert les champignons appelés "chair des dieux"
(teonanacatl) dans les légendes des Nahuas du Guatemala. Il affirme que
le soma chanté dans le Rigveda hindou, breuvage enivrant qui rend
immortel, était fabriqué à partir d’amanite tue-mouche. Le chimiste
Albert Hofmann, mort en avril, découvreur du LSD (dérivé synthétique
d’un alcaloïde de l’ergot du seigle), pensait que les "religions à mystère"
utilisaient des psychotropes, comme les célèbres mystères d’Eleusis de
la Grèce antique : le kikeon, l’offrande à base de céréales consommée
pendant l’initiation, contenait apparemment du seigle moisi. Depuis
peu, les recherches sur les enthéogènes se sont focalisées sur
l’ayahuasca. Le terme désigne une liane, Banisteriopsis caapi, et
quelques autres de la même famille, préparée en décoction, toujours
mélangée avec des feuilles d’un arbuste proche du caféier, la chacruna
(Psychotria viridis). Quelquefois, le chamane ajoute d’autres plantes
psychoactives, cannabis, datura, graines de volubilis… chacun sa
recette. Cela donne des boissons aux effets différenciés.


L’analyse chimique
explique comment opère ce cocktail. Les feuilles de chacruna
contiennent à haute dose du diméthyltryptamine ou DMT, un alcaloïde aux
effets psychédéliques puissants. Normalement, le DMT ingéré ne libère
aucun effet hallucinatoire chez l’homme, car une enzyme de notre
intestin le bloque. Or, comme l’a montré le pharmacologue Dennis
McKenna, les deux substances présentes dans la liane ayahuasca, les
alcaloïdes harmine et harmaline, inhibent cette enzyme. C’est là le
génie de la recette chamanique : en ajoutant de l’ayahuasca à la
chacruna, le DMT peut libérer ses effets dans le corps humain. En même
temps, l’harmine et l’harmaline étant eux-mêmes des psychotropes, ils
redoublent l’effet stupéfiant du DMT. Voilà pourquoi l’amère ayahuasca,
breuvage combinant au moins trois alcaloïdes hallucinogènes, agit si
fortement sur le cerveau du grand singe humain. On comprend que
plusieurs sociétés pharmaceutiques, notamment l’américaine
International Plant Medicine corporation, aient tenté de s’arroger sa
propriété en déposant des brevets décrivant des recettes indigènes.

"Aujourd’hui,
un médicament sur deux est d’origine végétale, et les trois quarts
d’entre eux ont d’abord été expérimentés par les médecines
traditionnelles
, explique Dennis McKenna, en ethnobotaniste qui sillonne le bassin amazonien depuis vingt ans.
Et les chamanes explorent depuis des millénaires l’immense forêt
amazonienne, véritable sanctuaire biochimique abritant 80 000 espèces
végétales. Ils connaissent mieux que quiconque les effets des plantes
médicinales. On comprend que beaucoup de monde s’intéresse de près à
leur plante mère , l’ayahuasca, comme aux autres plantes curatives."

EFFETS SPÉCIAUX


Nous sommes toujours au World Psychedelic Forum de Bâle. Ce soir
Jan Kounen va projeter son film, et Dennis McKenna vient de participer
à la conférence-débat : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur
les psychotropes. Il reprend : "Quand je regarde ces traditions
indiennes, leurs cérémoniels, avec ces chants, ces visions
prodigieuses, je me demande s’il ne faut pas s’opposer à ce que les
plantes magiques soient transformées en molécules pharmaceutiques
brevetées par Merck ou Pfizer. L’essentiel va être perdu, pour être
réduit à des sensations affaiblies, détachées des rituels qui les
accompagnent. Cela va faire comme avec les ayahuasca tours qui se
transforment en séances de danse pittoresque, tandis que les chamanes
se battent entre eux pour attirer les touristes. Je préfère la manière
dont l’ayahuasca se fait connaître à travers les conférences, les
articles scientifiques, les petits groupes d’amateurs, les sites de
débat sur Internet. Par cette voie, l’ayahuasca rencontre ceux qui ont
besoin d’elle."

 

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