Boissons énergisantes sous surveillance

Dernière mise à jour le 26/07/2016

La France décide de surveiller et d’évaluer les risques sanitaires du Red Bull…

Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/07/15/boissons-energisantes-sous-surveillance_1073350_3224.html
Date :15-07-0

Un nom qui évoque la puissance du taureau, une
cannette noire tapissée de flammes, le Red Bull
joue la carte du fantasme. Chimique, artificiel
et sucré. Le mauvais goût du Red Bull est loin
d’être un obstacle pour ses fans. Après douze ans
de bataille judiciaire remportée grâce à une
réglementation européenne, la boisson énergisante
Red Bull est commercialisée dans sa version
originale en France le 15 juillet. Depuis le 2
avril, un ersatz de Red Bull sans taurine était à
la vente sur les étals français.

Une réputation sulfureuse, une stratégie de
communication qui privilégie la culture
underground et les sports extrêmes, la recette du
succès de Red Bull dans le monde est un
antimanuel de marketing qui a fait ses preuves.
En 2007, plus de 3,5 milliards de cannettes de
Red Bull ont été consommées dans le monde. Les
Etats-Unis représentent le plus gros marché avec
1 milliard de cannettes mais l’Europe n’est pas
en reste avec 25 % d’augmentation des ventes en
une année. Le leader de la boisson énergisante
refuse, pour l’instant, de communiquer ses
chiffres sur son activité en France. Impossible
de connaître le niveau de consommation dans
l’Hexagone.

Les bars et discothèques, eux, n’ont pas attendu
les chiffres pour proposer le Red Bull à leurs
clients. Vodka Red Bull, vodka Red Bull et
grenadine ou encore Red Bull et champagne, autant
de mélanges qui rencontrent un large succès dans
les soirées. Le consommateur cible de Red Bull
selon Red Bull ? "Toute personne qui a besoin
d’énergie, que ce soient les sportifs, les
personnes employées dans les bureaux, les
chauffeurs de taxi (?), les étudiants qui
préparent leurs examens, les journalistes qui
travaillent dans l’urgence." La cible est pour le
moins vague.

Frank, 31 ans, en boit "comme du café". "Le Red
Bull me donne de l’énergie pour faire du sport.
Cela me permet de puiser dans mes réserves et de
me concentrer", explique le jeune homme. "Avec de
la vodka, c’est très bon. Mais le risque est de
consommer plus d’alcool", constate-t-il. Pour
lui, le mystère et le fantasme ont fait le succès
de la marque. "Le Red Bull se vendra d’autant
mieux qu’il a été à un moment interdit."

ÉVALUER LES RISQUES CHEZ LES GRANDS CONSOMMATEURS

La réussite de Red Bull dans le monde a fait des
émules. Près de seize marques de boissons
énergisantes se partagent le marché. Elles
allient souvent la caféine à des substances
telles que le guarana, le ginseng ou les
vitamines. Coca-Cola a lancé Burn, à base de
caféine et de guarana en 2002. Danone
commercialise V, une boisson qui a déjà rencontré
un succès certain en Nouvelle-Zélande et en
Australie. Le Dark Dog est proposé par la société
Karlsbrau. La plupart des marques ont adopté les
thèmes de communication de Red Bull, la nuit et
la fête, avec un goût pour l’interdit.

L’Agence française de sécurité sanitaire des
aliments (Afssa) et l’Institut de veille
sanitaire (InVS) restent sur leurs gardes. Dès le
mois de juillet, l’InVS établira un suivi auprès
des centres antipoison. Si un patient arrive dans
un service hospitalier et signale qu’il a
consommé du Red Bull, les médecins constitueront
une fiche détaillée en coopération avec les
centres antipoison. Les fiches seront ensuite
analysées par l’InVS.

L’Afssa lance de son côté une étude qui vise à
évaluer les risques chez les grands consommateurs
de boissons énergisantes. L’objectif est de
contrôler si ces grands amateurs dépassent les
limites recommandées de consommation de certaines
substances comme la caféine ou les vitamines B et
de surveiller les effets du mélange des boissons
énergisantes avec l’alcool. "Nous sommes dans une
démarche d’évaluation des risques de
consommation", précise Jean-Luc Volatier,
épidémiologiste à l’Afssa.

La boisson énergisante est composée, entre
autres, de caféine (30 mg/100 ml) et de taurine,
un dérivé d’acide aminé qui serait impliqué dans
les connexions neuronales. L’Afssa rendait en
novembre 2006 un avis négatif sur la
commercialisation du Red Bull. Faute de pouvoir
prouver la dangerosité de la boisson, l’Afssa a
plaidé pour la prudence.

Les dangers potentiels du Red Bull sont d’ordre
cérébral (hémorragie), neuropsychique (troubles,
agitation, tachycardie) et rénal. Il est
déconseillé de boire plus de deux cannettes par
jour. Pour le docteur Olivier Phan,
pédopsychiatre et spécialiste des addictions à
l’Institut mutualiste Montsouris de Paris, le Red
Bull est un produit comparable à la caféine.

"L’excès de caféine provoque des insomnies, une
certaine irritabilité qui entraîne parfois des
difficultés dans la relation avec les autres",
note le docteur Phan. Pour lui, le danger des
boissons énergisantes est avant tout
comportemental : "Le Red Bull est un produit
d’entrée de gamme. Le risque est de passer à
l’étape supérieure et de consommer des excitants
et des stupéfiants plus nocifs comme l’ecstasy",
souligne le pédopsychiatre.

L’association du Red Bull et de l’alcool inquiète
les professionnels de la santé. Le docteur Phan
note des risques de déshydratation liés à
l’hyperactivité. Les consommateurs déploieront
plus d’énergie sous l’effet du Red Bull alors que
la boisson n’hydrate pas comme l’eau. L’Afssa
relève, dans un rapport de 2006, "un effet
potentialisateur des effets excitants de
l’alcool" et "une perception amoindrie des effets
de l’alcool". Le risque est d’aggraver les
conduites à risque. Et le docteur Phan de
conclure : "Les autres pays européens n’ont pas
eu de morts dues au Red Bull. Plus d’alcooliques
peut-être, des morts non."

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