Act Up : Lettre ouverte au président de la MILDT : 15 ans en arrière ?

Dernière mise à jour le 26/07/2016

Act Up lance une pétition suite à sa lettre ouverte au Président de la MILDT…

Source : http://www.actupparis.org/article3213.html
Date : 4/12/2007
 

Les Etats Généraux des Usagers de drogues et de la Substitution (EGUS) qui auraient dû se tenir ce mois-ci n’auront pas lieu.

A peine nommé dans ses fonctions, le nouveau président
de la MILDT, Etienne Apaire, a en effet décidé de priver l’association
d’autosupport ASUD de la subvention qui lui avait été accordée les
années précédentes par la MILDT, entraînant ainsi la suppression des
EGUS.

 
 

Cette décision, ainsi que ses propos pour le moins ambigus sur la réduction des risques [1],
poussent aujourd’hui près de cinquante associations, associées à une
quarantaine de personnalités politiques et associatives, à interpeller
Etienne Apaire sur ses intentions, au travers d’une lettre ouverte que
vous trouverez ci-joint et ci-dessous.


4 décembre 2007

Monsieur,
Quelques mois après votre nomination à la tête de la
MILDT, vos premiers gestes et déclarations suscitent chez nous la plus
vive inquiétude.

La MILDT a refusé à l’association d’auto-support
d’usagers de drogues ASUD une subvention qu’elle lui accordait chaque
année avant votre nomination, pour l’organisation des quatrièmes Etats Généraux des Usagers de drogues et de la Substitution (EGUS)
qui auraient dû se tenir ces jours-ci. Vous ne pouvez ignorer cependant
ni le rôle central des associations d’auto-support dans le champ de la
réduction des risques, ni la qualité des débats, soulignée par tous,
qui avait caractérisé les précédentes éditions des EGUS – puisque votre
prédécesseur en avait inauguré la tenue il y a tout juste un an -, ni
le caractère paradoxal d’une telle mesure, quelques années à peine
après le vote de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

L’ensemble du secteur des intervenants en toxicomanie
s’est toujours accordé en effet sur l’importance d’une collaboration
avec les associations d’auto-support, tant comme vecteurs d’information
que pour leur rôle d’éducation auprès des usagers, leur parler vrai sur
les questions de dépendance ou de plaisir, ou comme regard critique sur
l’élaboration des programmes. Loin d’« encourager des usages illégaux »,
comme vous le suggériez à l’AFP le 21 septembre dernier, les
associations d’usagers sont des partenaires indispensables de la lutte
contre les maladies infectieuses ou de la réduction des risques en
général. Nous ne pouvons comprendre cette décision.

Selon Valeurs actuelles du 19 octobre 2007, vous vous seriez par ailleurs fixé comme objectif de « renforcer l’idée selon laquelle la substitution n’est pas une fin en soi et qu’il faut en sortir »,
ambition à nos yeux lourde de sous-entendus, que nous ne pouvons que
rapporter aux débats souvent violents qu’avait suscités la mise en
place des traitements de substitution il y a quinze ans.

Faut-il vous rappeler les succès imputables à ces
traitements : chute spectaculaire du nombre d’overdoses, réduction du
taux de nouvelles contaminations VIH chez les usagers de drogues à 3%
des cas diagnostiqués en 2004, contre 40 % en 1993 avant l’arrivée du Subutex ?
Faut – il aussi vous rappeler la fragilité de ces acquis, la difficulté
de suivre des traitements aussi lourds que ceux du sida ou de
l’hépatite C, qui sans la délivrance d’opiacés de synthèse se seraient
souvent avérés impossibles, la menace que fait peser aujourd’hui sur
les usagers de drogues l’hépatite C, la stigmatisation continuelle dont
ils font l’objet ?

De l’avis unanime de nos structures, seul l’abandon de
l’abstinence comme norme unique et préalable a permis de sauver des
vies et continue de permettre aujourd’hui, dans bien des cas, de
convaincre de se soigner, de rentrer en contact avec un établissement,
d’entreprendre des démarches administratives ou juridiques. Le désaveu
de ce parti-pris de pragmatisme ne peut que nous alarmer dans la bouche
d’un président de la MILDT, dont la fonction devrait être de garantir
une pluralité d’approches de la question des drogues.

Il nous laisse par ailleurs incrédules, tant les succès
de la réduction des risques invalident vos positions. La stratégie de
réduction des risques liés à l’usage de drogues adoptée depuis bientôt
quinze ans en France a si bien fait ses preuves que le principe en a
été inscrit dans la loi en 2004, avec l’adjonction de trois articles au
Code de Santé Publique qui lui fixent notamment comme objectifs de
prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose, et
les dommages sociaux liés à la toxicomanie. Aujourd’hui ces objectifs
nous paraissent plus d’actualité que jamais. Rien ne nous permet de
penser en effet, dans le contexte actuel de progression de l’hépatite
C, de diversification des produits, de progression des pratiques de
polyconsommations, que nous puissions nous passer de programmes
innovants, éclairés par l’expertise critique des usagers de drogues, et
acceptant de suspendre tout jugement pour répondre concrètement aux
problèmes sanitaires ou sociaux.

Rien ne nous permet non plus de penser que les députés
qui ont voté cette loi, ni le secteur devenu désormais essentiel de la
réduction des risques, puissent comprendre ce qui apparaît aujourd’hui
comme un revirement de fond.

C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président, de bien vouloir :

-  revenir sur votre décision concernant Asud, et lui confirmer le soutien que la MILDT lui a apporté depuis huit ans ;

-  nous
donner des garanties sur le respect du Code de la Santé Publique, en
ses articles L. 3411-6, L. 3411-7 et L. 3411-8 notamment, qui
concernent la réduction des risques ;

-  affirmer
votre engagement dans la poursuite de la politique de réduction des
risques initiée par vos prédécesseurs, et de ses extensions nécessaires
pour faire face à l’évolution des pratiques de consommation et des
risques sanitaires qui y sont liés.


Pour signer la pétition, c’est ici.

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