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A la fin de cet été, nous entrerons dans une phase cruciale de la politique des drogues en Europe…
Date : 5/8/2007
Source: ENCOD.org
Par Joep Oomen avec Peter Webster - (traduction : Jean-Michel Rodriguez)
Dans l’oeil du cyclone tout est calme. Le temps et l’espace semblent s’être mis d’accord pour s’arrêter, pendant que tout autour la vie bouge à une vitesse incroyable. A la fin de cet été, nous entrerons dans une phase cruciale du mouvement contre la prohibition des drogues en Europe.
Les gouvernements continuent à prendre des mesures qui augmentent la criminalisation et la marginalisation de millions de personnes et font des efforts désespérés pour éviter une évaluation honnête de l’impact de ces mesures. Les citoyens qui souhaitent mettre à l’ordre du jour des propositions constructives pour des politiques alternatives devront combiner détermination et patience , force et subtilité, confiance et attention pour mesurer les occasions qui peuvent s’offrir.
Dans d’autres parties du monde, des gens n’ont pas le luxe de penser à l’élaboration de propositions politiques. Au début juillet, Amnistie Internationale et d’autres organisations ont annoncé que 16 pays d’Asie et du Pacifique continuent d’appliquer la peine de mort pour trafic et possession de drogues , à un moment où la tendance mondiale est d’abolir totalement cette peine [1] . Le gouvernement du Maroc , qui a diminué de façon drastique la culture du cannabis de moitié durant les quatre dernières années , a annoncé sa volonté d’éradiquer la principale zone de culture qui reste dans les montagnes du nord du Rif. [2] . Et le gouvernement des États-Unis augmente la pression sur le président et cultivateur de coca bolivien Evo Morales pour qu’il trahisse ses anciens compagnons , selon l’ ONUDD la culture de coca en Bolivie a augmenté de 8% cette année [3]. Pendant ce temps, durant la même période, la culture d’opium en Afganistan a augmenté de 50 %, soit un sombre bilan de 900% depuis l’invasion des États-Unis en 2001 [4].
L’Europe aussi est en voie de déclencher une guerre civile sur la prohibition des drogues. Les mesures que le gouvernement néerlandais projette de mettre en place pour "protéger le public de substances nuisibles" ne sont rien de plus que des réponses impulsives à la panique générée par une presse à sensation et un appareil répressif. Quelques incidents avec des touristes qui ont eu lieu à Amsterdam qui auraient, ou non, consommé des champignons hallucinogènes sont utilisés comme argument pour renforcer la prohibition de leur vente , évènement auquel s’est opposé le Ministère de la Santé Publique et qui a été décrit par les experts comme une "catastrophe totale".
De même, aux Pays-Bas , les coffee-shops traversent des moments difficiles. Rotterdam semble avoir l’honneur de se transformer en la première ville où le nombre de coffee-shops a été réduit de moitié , l’argument utilisé étant qu’ils augmentent l’utilisation de cannabis chez les mineurs. Ce raisonnement ignore complètement le fait que l’usage du cannabis chez les plus jeunes n’a pas de relation avec la proximité d’un coffee-shop. Des documents européens démontrent clairement que l’usage chez les mineurs (et l’accessibilité au cannabis) aux Pays-Bas est inférieur à de nombreux pays européens qui n’ont pas de coffee-shops. Comme le dit le psychiatre hollandais Frederick Polak :"la véritable raison pour laquelle les autorités veulent fermer les coffee-shops c’est parce qu’ils sont la preuve vivante de l’inutilité de la prohibition".
Dans d’autres pays aussi prévalent les principes moraux sur la sagesse. Le gouvernement du Royaume-Uni, que déclassa le cannabis de la catégorie B à la C en 2004 , est en train de reconsidérer cette décision , pour " améliorer l’éducation sur les drogues dans notre pays". Le gouvernement du Royaume-Uni est convaincu aussi que "la légalisation enverrait un signal erroné á la jeunesse". Dans la même tendance , le gouvernement allemand répondit à une proposition pour prendre des mesures de réduction des risques causés par les produits frelatés :"nous ne voulons pas prendre ces mesures , car le cannabis est dans tous les cas nuisible". On estime le nombre d’usagers réguliers à plus de 3 millions au Royaume-Uni [5] et de 4 millions en Allemagne [6].
Que faire de ces gens ? Que faire, par exemple, de ceux qui , parmi eux , consomment du cannabis en usage médical , pour ceux que ce même usage réduit les souffrances ? Quel type de message on va leur envoyer ? Peut-être un message avec le symbole du dollar ? Il ne fait aucun doute que les multinationales pharmaceutiques suivent de près les résultats des débats sur la création de "canaux légaux pour l’opium afgan" , comme le propose le Senlis Council [7].
Les compagnies pharmaceutiques paient des millions d’euros pour "éduquer" des médecins aux bénéfices de leurs produits plus importants que ceux de leurs concurrents. Elles ont payé des docteurs pour se faire passer pour les auteurs d’articles de presse écrits par des auteurs fantômes, une pratique largement décrite dans le sommaire d’un procès contre l’entreprise Pfizer. Dans une telle atmosphère, il est peu probable que quelque étude que se soit puisse aboutir de façon désintéressée , sans parler de ce que ce serait si la substance est illégale. En plus si elle semble indépendante, la recherche pourrait servir á des fins politiques. En janvier 2006 , le Royaume-Uni défendait la déclassification du cannabis de B á C [8] avec les mêmes arguments scientifiques qui font qu’aujourd’hui il s’y oppose [9]. .
Aucun expert médical ne douterait du fait que la réduction des risques ne peut arriver que par des moyens légaux, qui garantissent la sécurité des usagers et de leur entourage. C’est un défi pour nous de prouver cela en pratique. L’introduction du modèle des Clubs Sociaux du Cannabis dans la campagne de Vienne 2008 peut être utilisé comme un exemple de comment le futur des collectifs sociaux de consommateurs de drogues peuvent organiser leur propre système , indépendant autant du point de vue commercial que médical.
La vie de plusieurs pionniers de ce modèle a été frappée par une tempête contre laquelle nous devons tous résister. Ont été arrêtés et condamnés parce qu’ils ont suivi le sens commun de la philosophie de réduction des risques que fût introduite dans les années 90. Fin juillet , la police espagnole détruit la plantation de Ganjazz Art Club (un club social du cannabis de San Sebastian), pendant que le propriétaire de la respectée compagnie suisse Chanvre-Info, André Fürst , membre du comité exécutif d’ENCOD, est condamné á 29 mois de prison pour cultiver du chanvre et fabrication de produits dérivés.
ENCOD n’acceptera jamais une peine de prison pour des gens qui font la promotion de l’usage d’une plante. Nous continuerons de lutter pour une alternative transparente au dilemme créé en 1961, quand les puissants gouvernements décidèrent d’enfermer le monde dans la prison de la guerre à la drogue. En août nous demanderont un espace dans le forum de la société civile sur la politique des drogues que la Commission Européenne est sur le point de mettre en place. En octobre , la campagne sur les Clubs Sociaux du Cannabis sera lancée, suivant la feuille de route des actions dirigées vers la réunion de l’ONU à Vienne en Mars 2008.
Notes
[1] Voir http://web.amnesty.org/pages/antidrugs-250607-feature-eng
[ 2] Voir : http://ccguide.org.uk/news/shownewsarticle.php ?articleid=12654
[3 "EEUU teme por la democracia y Shapiro advierte por la coca", in : La Prensa, La Paz, 12.7. 2007
[4] Voir : http://www.unodc.org/unodc/en/world_drug_report.html
[5] Voir : http://news.bbc.co.uk/1/hi/health/2923647.stm
[6] See : http://hanfverband.de/letter/14_06_2007.html
[7] Voir : http://www.embassymag.ca/html/index.php ?display=story&full_path=/2007/july/18/senliscouncil/
[8] Voir : http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml ?xml=/news/2006/01/20/ncann20.xml&
[9] Voir : http://www.itv.com/news/britain_a9cb552fb24a68b578e392ce7993ef59.html