Mes quatre jours au festival du Burning Man : hippie 2.0

Dernière mise à jour le 18/07/2016 <!– by Kritik –>

Burning Man, LE festival américain qui fait réver…

Source : http://www.rue89.com/droguesnews/mes-quatre-jours-au-festival-du-burning-man-hippie-20
Date : 14/09/2008

Le dôme ou est organisée chaque soir l'une des soirées les plus fréquentées du Burning Man (Damian Ewens)

(De Black Rock City, Nevada) Ne cherchez pas Black
Rock City sur une carte. Car cette charmante bourgade de 50 000 âmes
dans le désert du Nevada n’existe qu’une semaine par an. C’est là, au
beau milieu de nulle part, que se rassemblent chaque année, à la fin du
mois d’août, artistes, teufeurs du monde entier et cadres de la Silicon
Valley pour célébrer le Burning Man. Mais qu’est-ce que le Burning Man?
C’est là que les choses se compliquent.

« Décrire le Burning Man à quelqu’un qui n’y a jamais été, c’est un
peu comme de tenter de décrire les couleurs à un aveugle », dit un
« Burner ». A mi-chemin entre Tatouine et Mad Max, un kaléïdoscope de
sons, de couleurs, de sensations porté à ébullition par le soleil, la
poussière, les drogues et la techno. Aucun programme, aucun ordre du
jour, un espace de totale liberté où il s’agit juste d’être, de
déambuler, d’échanger et, c’est ce qui fait la magie du lieu,
d’abandonner toute velléité de jugement des autres. Visite guidée de ce
« carnaval post-moderne de l’absurde »:

Pour la petite histoire, en 1986, Larry Harvey, un amoureux
éconduit, décide, avec des amis, d’aller sur la plage de San Francisco
brûler un mannequin de bois à l’effigie de l’homme qu’il souhaitait
cesser d’être. Ils sont alors 20 et le "Man" fait 2,45 m. En 2008, le
"Man" faisait 25 mètres et nous étions officiellement 49599 (source Wikipédia). Et c’est là que j’interviens. Plus précisément aux environs de 18 heures le jeudi 28 août.

En arrivant aux portes de Black Rock City, je n’ai aucune idée de ce
que je vais trouver ici, comme la plupart des autres « vierges » (et
oui, c’est ainsi que l’on nous appelle). L’accueil est un peu Club Med,
mais il faut bien un sas entre le monde réel et le Burning Man. Après
m’être vu enjoint de me rouler dans la poussière du désert (ça, c’est
fait, la poussière ne partira plus de tout le séjour), je dois faire
l’amour à la Playa (c’est, non sans ironie, le nom que l’on donne à
cette terre qui a probablement vu l’eau pour la dernière fois il y a
des millions d’années) pour la remercier de m’accueillir. Avant de
prendre une fessée publique pour célébrer la fin de ma virginité.

On me demande ensuite si je transporte des drogues à bord de mon
véhicule. Je me dis alors qu’on est quand même aux Etats-Unis et qu’on
n’y plaisante décidément pas avec la loi. Surprise: ma réponse négative
me vaut une invitation à rebrousser chemin. Au moins les choses sont
claires…

Black Rock City vu d'un satellite de la Nasa (Cardsplayer4life/Wikipeda)

Géographiquement, le Burning Man c’est un immense cercle de
plusieurs kilomètres de diamètre découpé comme une horloge et dont le
centre est l’effigie du "Man". Avec mes petits camarades de jeu, nous
élisons domicile à « 9 heures ». La stratégie est d’être suffisamment
loin des sound systems pour avoir une chance de dormir (un participant
m’a avoué ressentir les basses dans sa poitrine à l’intérieur de son
camping-car jusqu’au petit matin). Mais pas trop loin non plus pour ne
pas se retrouver en banlieue et être obligé d’utiliser les transports
en commun (en l’occurence, des véhicules aux allures spatiales montés
sur des carcasses de bus ou de tondeuses à gazon).

Sur place, aucun commerce, à l’exception d’un bar qui sert café, thé
et boissons énergétiques, ainsi qu’un marchand de glace. Ce qui
signifie que tout doit avoir été prévu et amené de l’extérieur. Eau,
nourriture, alcool… et costumes pour ceux qui n’ont pas retenu
l’option nudiste. Et tout devra être ramené: on ne laisse aucun déchet
sur la Playa. Les règles sont peu nombreuses mais elles sont strictes.

Le travail de préparation prend parfois une année et des centaines
voire des milliers de dollars pour les projets les plus ambitieux.
Quant à mon "camp", nos deux jours de préparation et notre mini-budget
se payeront par un confort quelque peu rudimentaire. La poussière nous
collera d’autant mieux à la peau que, faute de système de recyclage des
eaux usées, nous sommes privés de douche et ne pouvons que nous
renverser des bidons d’eau ou courir après le camion citerne qui
sillonne les allées, faisant office de douche collective. Un manque de
préparation particulièrement préjudiciable pendant les tempêtes de
sable, comme celle de samedi, qui a duré plusieurs heures:

L'envoyé spécial de Rue89 au Burning Man (Damin Ewens)

Mais le Burner n’est jamais abattu pour longtemps. Quelques minutes
plus tard, armé de mon keffieh mouillé pour pouvoir respirer et de mes
Goggles (indispensables lunettes d’aviateur qui protègent du sable) je
refaisais surface au Deep End, "la" rave où célebrer le coucher de
soleil sur le Burning Man. Tempête de sable ou pas. (Voir la vidéo)

Reste maintenant à aborder la partie la plus délicate: que fait-on
au juste de ses journées au Burning Man? On tente de rester éveillé
tout d’abord. Car il fait chaud (probablement plus de 40 degrés) et les
nuits, fraiches elles, sont courtes dans leur versant sommeil: les
tentes se transforment en sauna dès 8h30 du matin, mais dormir avant
une heure avancée de la nuit serait pêché.

Car disons-le tout de suite: les nuits du Burning Man sont magiques,
entre fête foraine, Alice au pays des merveilles et Woodstock. On y
danse jusqu’au petit matin sur des bateaux pirates ambulants, dans des
domes lunaires ou en plein air entre cracheurs de feu et cowboys
nudistes chapeautés. On y croise des jeunes filles promettant « baisers
pour tous » sur un petit panneau, un Superman ou une escouade de
policiers en bas résille. On s’y fait des amis pour la vie que l’on ne
reverra jamais mais avec lesquels on dessine sur le sable des mondes
meilleurs. Les corps se rapprochent. Les esprits s’oublient. Jusqu’au
lever du soleil sur le désert.

Black Rock City au lever du soleil (Damian Ewens)

 

Deux heurs plus tard, réveil façon sauna. La journée sera longue.
Perchés sur des vélos de fortune achetés sur Internet juste avant de
partir (on nous en offrira finalement d’autres sur place), nous errons,
fatigués mais émerveillés, dans les « camps » du Burning Man.

Car ici, et c’est l’une des particularités du lieu, l’organisation
n’organise rien. Elle ne fait que financer (avec l’argent des billets
d’entrée), les projets des différents participants. Et ils sont pour le
moins variés. Certains décident d’installer une balançoire, d’autres
vous offrent un bâton d’encens, de l’alcool (à condition d’être armé de
son propre gobelet car il n’y a pas de poubelle sur La Playa), un cours
de yoga tantrique, un massage, un dancefloor improvisé… Seul
impératif: tout doit être gratuit et ouvert à tous.

Exemple d’atelier original, à l’intérieur des toilettes de chantier
cet écriteau: "Comment savoir si vous ne demandez pas". Suivent les
détails de différents points de rendez-vous destinés à se trouver des
partenaires de sexe… Seule condition: tout doit avoir été verbalisé
et accepté avant le passage à l’acte. Sur l’autre mur des toilettes, ce
rappel du monde extérieur: "Jeter un corps inadapté dans les toilettes
est un crime fédéral."

Certains passent des mois et dépensent des milliers de dollars à
travailler à un projet qui n’est destiné à durer qu’une semaine avec
pour seule perspective de retour la gratitude d’un public prompt à
l’hyperbole. L’éphémère hissé au rang d’art de vie, dont l’apogée est
l’incendie du « Man », le samedi soir, au centre de la Playa, sous les
viva des 50 000 pensionnaires.

Le Man, qui sera brûlé le samedi soir, apogée du Festival (Damian Ewens)

Nous reprenons la route dimanche matin, fatigués, poussiéreux,
courbatus mais hantés de délicieuses pensées. Nous mettrons près de
quatre heures à parcourir les quelques kilomètres qui nous séparent de
la route goudronnée, pris au milieu de cette gigantesque transhumance
mécanique. Sur la route, à quelques centaines de kilomètres, nous
croisons d’autres Burners. Moment de complicité. Echange de cadeaux
(bière contre cigarettes!). Nous reprenons notre route vers Las Vegas,
la « ville du péché ». Etions-nous vraiment au paradis?

Photos: Damian Ewens

Le site officiel du Burning Man

 

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