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En Argentine on estime qu’il vaut mieux protéger les consommateurs de drogues que de les punir…
Source : Courrier international – n° 908
Date : 27-03/2008
Mieux vaut protéger les consommateurs que les
punir, estime le ministre de la Justice. Il a
annoncé la création d’une commission chargée de
plancher sur la question.
Le gouvernement argentin envisage la
dépénalisation de la consommation de drogue : ce
serait une évolution radicale de la politique de
lutte contre la drogue en Argentine. La nouvelle
a été annoncée par le ministre de la Justice, de
la Sécurité et des Droits de l’homme, Aníbal
Fernández, qui s’exprimait lors du forum des
Nations unies. Le ministre a révélé que le
gouvernement planchait sur une modification de la
législation qui mettrait fin aux poursuites
pénales contre les consommateurs de stupéfiants
pour les intégrer à un système de soins. Ce
premier pas devra être débattu par le Parlement.
"Nous devons en finir avec ce système qui montre
du doigt le consommateur et en fait un criminel
sans lui offrir ne serait-ce que le droit à la
santé", a expliqué le ministre dans son discours.
Aníbal Fernández a souligné qu’il suivait là les
directives données par la présidente Cristina
Kirchner. "Nous allons revoir la réglementation.
Dans ce pays, contrairement à ce qui se passe au
Brésil, en Uruguay, en Suisse ou en Espagne, nous
avons trop copié la Convention [de l’ONU sur les
stupéfiants, de 1989], qui poursuit aussi bien
celui qui a des problèmes de santé que le
trafiquant. Cela ne peut pas continuer comme ça
et cela ne va pas continuer comme ça."
L’Argentine compte quelque 440 000 per?sonnes
consommant habituellement de la cocaïne ; il est
relativement facile de se procurer des substances
illicites, comme l’ont reconnu 45,2 % des sondés
de l’enquête nationale effectuée par le
gouvernement fin 2007. La loi 23737, adoptée en
1989, actuellement en vigueur en Argentine, met
l’accent sur la répression contre le
consommateur, partant du principe qu’il est le
premier maillon d’une chaîne dominée par les
trafiquants. En choisissant la voie de la
dépénalisation de la consommation, l’Argentine
rompt son alignement sur les Etats-Unis, où la
priorité est donnée à la répression. Pour
modifier la législation, le ministre a nommé une
commission de sages formée de juges, de
procureurs et de sociologues ; elle est chargée
d’élaborer un avant-projet de loi.
La jurisprudence argentine a souvent oscillé
entre punir et épargner le consommateur. Le
jugement Bazterrica, qui établissait que le
consommateur devait relever de la santé plus que
de la justice, s’est imposé un temps dans les
années 1990, avant un retour à la ligne dure
marqué par la jurisprudence Montalvo, qui a remis
la pénalisation du consommateur à l’ordre du
jour. En février dernier, la Cour de cassation de
la province de Buenos Aires, soit la plus haute
cour pénale de la province, a de nouveau opté
pour la ligne répressive.
A l’ONU, dans ses recommandations, l’Argentine a
mis l’accent sur le problème sanitaire et non
pénal que représente la consommation de drogue et
sur la nécessité de recourir à la force contre le
trafiquant, et non contre le consommateur. L’un
des membres de la commission de réflexion
préconise d’ailleurs l’intervention des tribunaux
civils, et non de la justice pénale, pour juger
les consommateurs de drogue.
Hernán Cappiello
La Nación